Le brouillage entre l’humain et l’objet ne date pas d’hier et cette peur d’une substitution de l’un par l’autre révèle, avant tout, l’angoisse des hommes d’être dispensables, estime Maïa Mazaurette, chroniqueuse de « La Matinale ».
On l’apprenait en début de semaine, 48 % des Français croient au grand remplacement. Pendant que les cancres réviseront les statistiques de l’immigration, courons nous mettre au lit… pour constater que le même alarmisme existe dans la sphère sexuelle ! On l’entend à intervalle régulier : la « technologisation » de la sexualité va anéantir le lien social, sentimental, affectif (et puis y’a plus de saisons, ma bonne dame). Nous serons bientôt remplacés par la pornographie, les sexdolls plus ou moins robotisées, les réseaux sociaux, et bien entendu les sextoys.
A coups de muses virtuelles et de fantasmes connectés, nous écoperons après-demain de désirs découplés du rapport à l’humain. Les vrais hommes ? Pas assez performants. Les femmes en chair et en os ? Pas assez disponibles. Le retour de la peste bubonique ? On y va.
Pour commencer, rappelons que si ce grand remplacement-là était d’actualité, il arriverait bien tard : selon qu’on se réfère aux fouilles archéologiques ayant trouvé un possible premier godemiché en Allemagne, datant de 28 000 ans, ou à Aristophane qui évoque leur existence dans Lysistrata il y a 2 400 ans, on se demande pourquoi l’humanité aurait disposé d’un remède à la misère sentimentale et/ou sexuelle pendant des siècles… pour en utiliser le plein potentiel seulement maintenant (on n’est pas toujours des flèches, mais quand même). Ce dont nous déduirons que si nos outils sexuels restent périphériques, souvent relégués au lot de consolation, c’est qu’ils ne nous satisfont pas pleinement, ou qu’ils ne couvrent qu’un champ limité de notre désir. (…)