Ils sont hauts fonctionnaires, cultivent l’entre-soi et multiplient les allers-retours entre politique, administration et secteur privé. En 2015, 150 cadres du ministère de l’Economie et des Finances gagnaient plus que le chef de l’Etat (soit 150 000 € annuels), selon une note que révèle Vincent Jauvert , journaliste de l’Obs , dans son livre «Les Intouchables d’Etat».
Après le code nucléaire, c’est le secret le mieux gardé de la République. Nom de code : « REM 150 ». Pour « rémunération 150 000 euros ».
Le fonctionnaire le mieux payé de la République est le gouverneur de la Banque de France, l’énarque inspecteur des Finances François Villeroy de Galhau, avec 350 845 € bruts annuels. Et encore, selon la confidence à l’auteur du patron de la Cour des Comptes, Didier Migaud – peut-être jaloux avec ses « 177 000 nets par an » -, le banquier central, « de par sa fonction, a d’autres revenus ». Portant son gain total à 450 907 € par an.
Dans son livre-programme « Révolution », le candidat Emmanuel Macron fustigeait « les hauts fonctionnaires qui se sont constitués en caste ». Il promettait même d’en finir avec leurs « protections hors du temps ». Or rien de tel ne s’est passé, pour l’heure, sous sa présidence. Et pour cause, lui-même et son Premier ministre sont issus de ce moule (ENA, inspection des finances pour le premier, Conseil d’Etat pour le second) et promeuvent une certaine technocratie. Le livre de Jauvert est d’ailleurs sous-titré « Bienvenue en Macronie ». [..]
Au jackpot de Bercy le grand gagnant est le Trésorier-payeur général (TPG) d’Ile-de-France : en 2015 ce « directeur régional des finances publiques » – à l’époque Philippe Parini, un sarkozyste nommé là par Hollande ! – a touché 255 579 € nets, soit 21 298 nets mensuels. Trois fois plus qu’un ministre. « Au total, 104 administrateurs généraux des Finances publiques, un corps de l’Ancien Régime fort prospère, figurent dans ce palmarès » du REM 150, précise l’ouvrage. […]
Le livre de Vincent Jauvert soulève plusieurs cas de « conflit d’intérêts conjugal » en Macronie. Exemple, la conseillère culturelle de Macron, l’énarque Claudia Ferrazzi. Son mari Fabrice Bakhouche, également énarque, dirigea notamment le cabinet de Fleur Pellerin (Culture) avant de rejoindre l’équipe d’En Marche pour la campagne. Puis en juin 2017, il est nommé directeur de la stratégie d’Hachette Livre, premier éditeur français. Devant le risque flagrant de conflit d’intérêts, son épouse conseillère présidentielle décide de se « déporter » – se récuser – sur les sujets concernant Hachette ou son actionnaire Lagardère. Fort bien. Mais est-ce tenable compte tenu du poids énorme de ce géant de la culture et des médias ?
Autre cactus, Agnès Buzyn. La ministre de la Santé exerce sa tutelle sur l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dirigé par… son mari, Yves Lévy. Le ministère annonce qu’elle se déportera dès que l’Inserm sera au menu. […]
Le problème de la ministre des Armées, Florence Parly ? Son compagnon, aurait pu répondre Arnaud Montebourg. Martin Vial dirige l’Agence des participations de l’Etat, présente notamment dans des fleurons de la Défense comme Thalès, Safran, Airbus… Vial annonce qu’il délèguera à son adjoint les dossiers de cette industrie pourtant stratégique. […]