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L’enseignante et auteure du « Mythe national », qui déconstruit les strates historiographiques et idéologiques sur lesquelles s’est fabriquée la légende scolaire de la IIIe République, s’est éteinte à Paris, à l’âge de 95 ans. (…)

En 1985, l’historienne démissionne du Parti socialiste où elle militait depuis dix ans. Elle reproche au ministre de l’éducation, le socialiste Jean-Pierre Chevènement, d’avoir rétabli une histoire nationale plaçant la France au centre du monde. Retraitée, Suzanne Citron se consacre alors à la question qui la préoccupe : dans une France en mutation économique, sociologique, culturelle, quelle histoire enseigner ? Dans Enseigner l’histoire aujourd’hui. La mémoire perdue et retrouvée (Les Editions ouvrières, 1984), elle égratigne quelques stéréotypes de l’histoire nationale, critiquant notamment le fait qu’on enseigne encore la Grande Guerre comme une « victoire du droit ».

L’historienne notait des avancées majeures dans les programmes d’histoire au cours des trente dernières années

Un travail de déconstruction qu’elle poursuit dans Le Mythe national. L’histoire de France revisitée (Les Editions ouvrières, 1987). L’ouvrage démonte méthodiquement les strates historiographiques et idéologiques sur lesquelles s’est fabriquée la légende scolaire de la IIIe République, la projection dans le passé d’une France sans commencement, la substitution d’ancêtres gaulois aux ancêtres troyens des Francs, la construction d’une logique d’Etat remontant à Clovis et symbolisée par une succession de personnages glorieux.

Plusieurs fois réédité, l’ouvrage devient une référence. Dans sa dernière version (Les éditions de l’Atelier, 2016), l’historienne notait des avancées majeures dans les programmes d’histoire au cours des trente dernières années : l’émergence d’une histoire critique de Vichy, de la guerre d’Algérie, de la colonisation et l’irruption dans l’espace public de l’histoire de l’immigration. Elle n’en dénonçait pas moins la permanence en filigrane de la matrice du Petit Lavisse, manuel à l’usage des écoliers sous la IIIe République. « Ce récit ne permet pas aux enfants français nés en France ou venus des quatre coins du monde de se situer dans l’histoire humaine avant de découvrir leur appartenance à la France comme être historique », écrivait-elle encore dans la préface de la seconde édition de La Fabrique scolaire de l’histoire (Agone, 2017), ouvrage dirigé par le collectif Aggiornamento histoire-géographie, fondé au domicile de l’historienne en 2011.

Ses membres se placent d’ores et déjà comme les héritiers des combats de Suzanne Citron. Lors de L’Emission politique, sur France 2, en mars 2017, son amie, l’historienne Laurence De Cock, principale animatrice d’Aggiornamento, avait offert un exemplaire du Mythe national à François Fillon, candidat LR à la présidence de la république, qui proposait de privilégier l’enseignement du récit national à l’école. Les téléspectateurs avaient voulu en savoir plus. Résultat : une semaine plus tard, l’ouvrage était en rupture de stock…

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