Les fiches numériques de 1 400 000 soldats morts remplies par des particuliers constituent une base de données inédite, désormais accessible.
Un air de jazz, des volutes de fumée… Jean-Michel Gilot aime travailler dans l’ambiance cosy de sa maisonnette rennaise, sur les rives de la Vilaine. Sur l’écran de son ordinateur défilent des tableaux statistiques et de vieilles photos de soldats de la Grande Guerre. Des milliers de clichés en noir et blanc, accompagnés de fiches d’identité écrites en pleins et en déliés, indiquant les dates de naissance et de mort d’une armée qui semble infinie.
Ce matin, comme tous les matins depuis plus de quatre ans, cet homme de 48 ans, directeur de projets marketing en recherche d’emploi, furète sur les sites Internet des communes et des archives militaires afin d’indexer « son » poilu du jour, c’est-à-dire glaner un maximum d’informations sur le parcours de ce dernier. Au même instant, partout dans le pays, un bataillon silencieux de 2 300 autres engagés volontaires, manœuvrant sous le couvert de pseudonymes, poursuit la même mission : cent ans après le massacre des tranchées, ils sont en passe d’avoir inventorié et complété la totalité des fiches des soldats morts (1 400 000) pour la France lors de cette guerre.
Les données ainsi recensées sont extraites d’archives sépia, renseignées autrefois par l’administration française. Elles viennent enrichir avec de nouveaux éléments biographiques les fiches « basiques » (nom, date de naissance et de mort) déjà consultables sur le site Mémoire des hommes. Au fil des mises en ligne se dessine ainsi un mémorial numérique plus incarné, mais aussi une ressource documentaire exceptionnelle, une sorte d’annuaire adapté au travail des historiens.
Les « indexeurs » ne sont pas des professionnels ; ils ne perçoivent aucune rémunération pour ce travail de fourmi. Généalogistes du dimanche, archivistes méticuleux, passionnés d’histoire, militaires en retraite, ce sont les petites mains de cette opération collaborative d’une envergure inédite.
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Merci à