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Que s’est-il donc passé qui explique un tel accroissement de la population depuis la Libération malgré deux guerres, l’importance des accidents de la route et des suicides et l’émigration de deux millions de Français ?
La politique nataliste a été déterminante : le baby-boom a bien eu lieu entre 1942 et 1963-64, mais il a été savamment « vendu » à l’opinion par tous les services de l’État et ses relais médiatiques. Or, si le baby-boom a permis à la population native de se maintenir à son niveau de l’entre-deux-guerres, c’est-à-dire autour de 40 millions de personnes (en faisant abstraction des conséquences de l’augmentation de l’espérance de vie), ce qui est déjà un exploit, il a peu contribué à son grand accroissement.
La chose est facile à démontrer, si l’on se détache de l’interprétation intangible des chiffres par l’Insee depuis des décennies, à savoir : la croissance démographique française serait endogène, et ne dépendrait que secondairement (un quart à un tiers) du solde migratoire. D’abord, la France de 2017 compte presque 10 millions de seniors (âgés d’au moins 60 ans) de plus qu’en 1945. Le vieillissement de la population, grâce au progrès économique et médical, explique donc près d’un tiers de l’accroissement démographique. Sur les 20 millions restant, la contribution directe de l’ancien empire colonial est importante. Après 1945, la France a intégré des territoires et des populations de l’Empire. Des colonies sont devenues territoires nationaux (les départements d’outre-mer) et leur forte démographie, sur place et en métropole, contribue pour 3,5 millions d’habitants. À cela s’ajoutent les « rapatriés » de l’empire (surtout du Maghreb), qui, avec leurs descendants, comptent 3 millions de personnes. Cette intégration compte donc pour 6,5 millions de personnes.
Par ailleurs, selon le Pew Research Center, la métropole, qui ne comptait que quelques milliers de musulmans en 1945, en compterait 8,5 millions en 2017. Le chiffre avancé par cet institut de recherche américain est énorme par rapport aux statistiques des organismes français. Mais les Américains dénombrent les musulmans en fonction du critère islamique (tout enfant né d’un père musulman est musulman) et non en fonction de l’affirmation ou de la pratique religieuses. Population d’origine musulmane serait donc plus exact. Ce chiffre avancé par le Pew Research Center est corroboré par les statistiques consulaires des pays du Maghreb, du Sahel et de la Turquie. À ce chiffre de 8,5 millions, qui paraît plausible, s’ajoutent d’autres populations originaires du Sud : près de 1 million d’immigrés africains chrétiens et leurs enfants et 1,5 million de personnes d’origine asiatique, en premier lieu du Vietnam et de Chine.
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Tout cela corrobore les données de l’Insee selon lesquelles les immigrés et leurs enfants (surtout nés en France) totalisent en 2016 13,3 millions de personnes. Sur quatre générations depuis la guerre, la France s’approche donc de l’Allemagne en ce qui concerne le nombre de sa population d’origine étrangère.
Il s’avère dès lors sur le long terme que la croissance démographique de la France a trois causes : l’augmentation de l’espérance de vie ; la prise en compte, désormais, dans les statistiques, des Français d’outre-mer et des rapatriés (ils n’étaient pas pris en compte dans les statistiques de la population nationale, respectivement, avant 1945 et 1962, car ces statistiques ne considéraient que les habitants de la métropole) ; et les étrangers et leurs enfants (en statistique sinon en droit).
L’exception démographique française n’est donc pas celle que l’on croit. (…)