Le jeune homme de 23 ans arrêté à Bagnols (Gard) et écroué à Paris pour un projet déjoué d’attentat a une identité compliquée. Sa personnalité est partagée entre une culture traditionnelle provençale et un islamisme radical.
Dans une tour de la cité des Escanaux, une maman se ronge les sangs. Elle est sans nouvelles de son fils de 23 ans. Il a été arrêté il y a près de deux semaines à Bagnols-sur-Cèze par les hommes de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), mis en examen et placé en détention provisoire à Paris depuis samedi dernier pour “association de malfaiteurs terroriste criminelle”.
Sa mère, qui refuse de parler aux journalistes, le pleure aujourd’hui dans son appartement où il est domicilié avec elle. Cette sexagénaire a connu, sans en profiter, cette époque prospère de la capitale du Gard rhodanien. Sa vie personnelle n’a pas toujours été tendre. Elle a eu trois enfants d’unions différentes. Le père du second décède en 1988 de mort violente sans que cette affaire ne soit jamais élucidée. La mère, qui porte le même nom que celui d’une fête religieuse chrétienne, donne à son petit dernier, désormais écroué, une succession de prénoms qui paraissent inspirés des séries télé américaines à succès des années quatre-vingt-dix. Un creuset multiple d’autant que le papa de celui-ci est d’origine maghrébine.
Le jeune Gardois soupçonné de terrorisme n’aurait pas été élevé dans la culture musulmane. Au détour de la page de son réseau social, on remarque toutefois qu’à partir de 2015, il développe peu à peu une sensibilité pour la Palestine et la bande de Gaza. Il se montre aussi partisan du groupe état islamique au moment où les Russes frappent systématiquement les djihadistes en Syrie. Il semble, enfin, s’être converti à une vision ultraorthodoxe de l’islam lorsqu’il écrit en janvier 2015 : “Ce monde est une prison pour le croyant et un paradis pour l’incroyant.” La phrase sert de commentaire à une vidéo supprimée depuis. (…)
Ses propos islamistes sur les réseaux sociaux ont été détectés par les policiers de la DGSI, aggravés par le fait qu’il manifestait sa volonté d’acquérir une arme. Le féru de paintball ne jouait plus ; il se trompait de combat. Au cours des perquisitions à son domicile, des produits pouvant servir à la confection d’explosifs, un engin potentiellement explosif et un système de feu ont été saisis. Sa dérive interroge ceux qui le connaissent. Il avait sans doute des fêlures, et n’était pas aidé par ses proches.
Comment a-t-il vécu la candidature de ses deux frères sur la liste Front national aux dernières municipales à Bagnols ? L’un d’eux, de dix ans son aîné, instable psychologiquement, est-il la preuve d’une fragilité familiale ? On se pose des questions dans le quartier. Une peur rétrospective saisit les habitants de son immeuble qui ne peuvent s’empêcher de penser qu’il aurait pu faire sauter le bâtiment par accident. Pour se rassurer, on avance qu’il se serait radicalisé à Lunel. La petite ville héraultaise, connue pour avoir fourni un contingent de combattants à Daesh dans la zone irako-syrienne, a bon dos.
Quelles sont les causes profondes de ce basculement ? Le jihad serait-il donc une forme de quête identitaire pour jeunes paumés ? “On voudrait comprendre, s’exclame un Bagnolais, car il y a peut-être ici et dans tout le Midi des jeunes aux prénoms à consonance américaine partagés entre la culture provençale traditionnelle et un islamisme radical. Ici comme ailleurs, on préférerait qu’ils dépensent leur penchant pour l’adrénaline à courir devant ou derrière les taureaux plutôt qu’ils ne fassent pleurer leurs mères.”