Fdesouche

(…) Le 16 janvier, les services de renseignement ont peut-être déjoué le premier attentat de l’année 2018. L’homme de 23 ans arrêté ce jour-là à Bagnols-sur-Cèze (Gard) a prêté allégeance au groupe Etat islamique (EI) dans une vidéo tournée, à l’automne dernier, devant un drapeau noir. Sur Internet, il aurait manifesté sa volonté d’acheter d’une arme. Chez lui, « des produits pouvant servir à la confection d’explosifs » ont été découverts.

Le suspect est inconnu des services de police. Pas de la gendarmerie. Et pour cause : c’est un ancien gendarme adjoint volontaire, l’un de ces contractuels recrutés pour une période de deux à cinq ans. A la caserne de la Bachellerie à Tulle (Corrèze), il a suivi une formation de neuf semaines dont l’une des priorités affichées est « la connaissance des armes de dotation ». Il aurait servi pendant quelques mois dans une unité territoriale du Sud- Est, au deuxième semestre de 2017, avant de démissionner.

(…) Ces scénarios ne relèvent pas de la pure fiction. En juin 2017, une équipe de la direction générale de la Sécurité intérieure fait irruption au commissariat du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) pour arrêter le gardien de la paix Mamadou N. Ce quadragénaire bien noté par ses chefs est accusé d’avoir aidé son frère cadet à monter une escroquerie sur le Dark Web, la face cachée d’Internet, pour financer l’un des émirs français de l’EI en Syrie. Sur les réseaux sociaux, planqué derrière des pseudos, il relaie la propagande de Daech. Un an plus tôt, il s’est même réjoui de l’assassinat d’un couple de fonctionnaires de police des Yvelines. Ses collègues tombent de haut. Mamadou? Un « pote », « le type sur qui tu peux compter ». « Très croyant », oui, mais pas prosélyte pour un sou. Mamadou N. a été révoqué et mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ».

En mars 2017, c’est une exgendarme adjointe volontaire, radicalisée elle aussi, qui est jugée à Paris pour le même motif. En poste au peloton autoroutier de Saint-Maximin (Var), Ahlam El Haddad, impliquée dans une filière de recrutement djihadiste, a consulté des fichiers administratifs et judiciaires. Elle rêvait de partir en Syrie où elle « voulait combattre ». La jeune femme a été condamnée à cinq ans d’emprisonnement, dont deux avec sursis et mise à l’épreuve.

(…) Sur le terrain, l’application des principes édictés en haut lieu n’est pas toujours simple. « On se sent parfois bien seul », soupire un commissaire en poste dans une banlieue parisienne. Voici quelque temps, l’un de ses policiers demande sa mise en disponibilité. Accordée. Quelques mois plus tard, il souhaite réintégrer son service. Dans l’intervalle, le flic fêtard amateur de bars et de boîtes de nuit s’est métamorphosé en pieux musulman dont le front porte la marque de la prière. « Je n’ai trouvé personne auprès de qui exprimer mes doutes et mes réticences », regrette son supérieur. L’homme, lui, a repris son poste.

Ce genre d’histoire fait bondir Sofiane Achatib, responsable du pôle juridique du syndicat Unsa Police, qui met en garde contre les « amalgames ». « Le principe de précaution ne doit pas conduire à montrer du doigt des gens qui pratiquent leur foi, tranche-t-il. Ou alors, il faudra se demander si à l’avenir, en France, on peut encore être flic et musulman. »

Pourtant, parmi ses collègues, beaucoup sont plutôt enclins à regretter la frilosité de la maison police, qu’ils soupçonnent de minimiser les faits, parfois, pour ne pas être taxée de discrimination. Comme dans cette compagnie de sécurisation et d’intervention de la région parisienne, où un gardien de la paix a été mis à pied pour propos radicaux et retards répétés imputables à sa pratique religieuse. Une enquête administrative plus tard, il a été réintégré au sein du même service.

Un autre gardien de la paix, adepte d’un islam rigoureux, a retrouvé son poste dans un commissariat de banlieue, lui aussi, malgré les lourds soupçons pesant sur lui. Alors que son frère vient d’être interpellé et sa voiture saisie, il arrive sur les lieux et tente de récupérer le véhicule en brandissant sa carte professionnelle. Le fonctionnaire de service ce soir-là, intrigué par son insistance, inspecte l’auto, dans laquelle il trouve un drapeau de Daech. Selon l’enquête interne, le gardien, qui travaille de nuit, a passé de longues heures à consulter les fichiers de police, avec différentes variantes orthographiques des mêmes patronymes, assortis de diverses dates de naissance. « Peutêtre voulait-il tester de fausses identités », avance l’un de ses collègues. En prime, les deux frères ont cassé les puces de leurs téléphones, rendant leurs communications inexploitables. Néanmoins, ni les services de renseignement ni la police des polices n’ont jugé l’affaire suffisamment grave pour muter le policier dans un autre service. Ou lui retirer son arme.

(…)

Fdesouche sur les réseaux sociaux