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Le Sénat polonais vote une loi punissant (jusqu’à 3 ans de prison) ceux qui diront “camp de concentration polonais


Compte twitter de l’Ambassade de Pologne : «Désinformation dans le JT de 20 heures sur France 2 concernant le projet de loi en Pologne qui sanctionne l’emploi du terme erroné “camps
de la mort polonais”. Nous protestons avec force, une intervention est en cours.»


Lettre de l’Ambassadeur de Pologne adressée à France 2

L’Ambassadeur de Pologne en France a réagi au reportage sur l’adoption par la Diète de la République de Pologne de la loi du 26 janvier 2018 modifiant la loi sur l’Institut polonais de la Mémoire nationale qui a été diffusé au journal télévisé de 20h de France 2 le 29 janvier.

Dans sa lettre, l’Ambassadeur a écrit:

C’est avec une profonde indignation et beaucoup de tristesse que je souhaite réagir au reportage sur l’adoption par la Diète de la République de Pologne de la loi du le 26 janvier 2018 sur la modification de la loi sur l’Institut polonais de la Mémoire nationale qui a été diffusé au journal télévisé de 20h de France 2 le 29 janvier.

Le reportage semble suggérer que l’intention des autorités polonaises est de « réécrire l’histoire à l’aide d’une loi. » Je souligne avec la plus grande fermeté que c’est parfaitement contraire à la réalité. La politique historique du gouvernement polonais n’est pas une politique de l’oubli, mais justement de la mémoire. La Pologne, comme tous les autres pays, a le devoir de lutter contre les manipulations historiques, la dilution de la culpabilité ou le fait de la faire reposer sur d’autres car c’est en conservant la vérité et en transmettant la connaissance à propos du passé que nous rendons hommage aux victimes de l’Holocauste.

Des expressions telles que « camps de concentration polonais / camps de la mort polonais » sont des contre-vérités historiques. Qualifie-t-on par exemple le camp de concentration de Natzweiler-Struthof de camp de concentration français ? En l’espèce, il s’agit des camps allemands nazis installés sur le territoire de la Pologne occupée, comme l’ont bien confirmé, entre autres, l’UNESCO ou l’Alliance pour la mémoire de l’Holocauste. L’expression « camp polonais » est dans ce contexte inacceptable : c’est un amalgame qui peut induire en erreur les personnes peu averties et faire le jeu des négationnistes. La Pologne et l’État d’Israël ont signé d’ailleurs le 22 novembre 2016 une déclaration conjointe condamnant les expressions comme « camps de la mort polonais » qui peuvent suggérer la participation de la Pologne dans « l’industrie de la mort » allemande nazie.

Il est également incompréhensible pour moi que vous affirmiez dans le reportage que la loi « interdirait l’implication de certains polonais dans l’extermination de juifs ». L’objet de la modification de la loi adoptée par la Diète est d’éliminer les comportements consistant à attribuer à la Pologne ou à la nation polonaise, publiquement et contrairement aux faits, la responsabilité ou la coresponsabilité des crimes nazis commis par le Troisième Reich car en effet pendant l’occupation allemande de la Pologne personne n’a collaboré avec les Allemands au nom de l’état polonais et au nom de la nation polonaise, contrairement à la situation qu’ont connue certains autres pays européens. Je tiens à souligner que l’activité scientifique, historique et artistique sont explicitement exclues du champ d’application de la loi en question dont les dispositions ne limitent en rien la liberté de recherches scientifiques, des discussions historiques ou l’activité artistique. Ne sera non plus sanctionnée la dénonciation des cas honteux des crimes commis par des individus. La Pologne est depuis toujours ouverte à un débat honnête sur l’Holocauste et les relations polono-juives pendant la Seconde Guerre mondiale et restera impliquée dans la lutte contre le négationnisme et l’antisémitisme.

Enfin c’est avec beaucoup d’étonnement que j’ai entendu ces mots sonnant également comme une accusation : « le gouvernement polonais considère que ces crimes doivent être imputés à l’Allemagne nazie et non à l’État ou à la nation polonaise ». Selon vous, qu’était donc la Pologne, sinon la victime de l’attaque allemande ? Je me permets de vous rappeler qu’à la suite de la guerre et de l’occupation allemande entre 1939 et 1945, plus de six millions de citoyens polonais, dont 3,2 millions de nos concitoyens juifs ont péri, que des millions de Polonais ont été forcés de travailler pour l’occupant nazi, et que les Allemands pillaient systématiquement ou détruisaient délibérément les biens polonais, ce que le sort de Varsovie, détruite presque dans son intégralité, illustre le plus terriblement. La Pologne a indiscutablement subi, en conséquence de la Seconde Guerre mondiale, les plus grandes pertes humaines et matérielles d’Europe, de sorte que tous les cas où notre pays – en Pologne et à l’étranger – est présenté autrement qu’en tant que victime des Allemands devraient être considérés comme des tentatives de révisionnisme historique.

Je souhaiterais vous rappeler également que pendant la Seconde guerre mondiale la Pologne occupée par les Allemands était le seul territoire en Europe où toute aide et tout soutien aux Juifs étaient automatiquement punis de mort par les nazis. Malgré cela de très nombreux Polonais ont risqué leurs vies et celles de leurs familles pour aider leurs voisins juifs. Beaucoup d’entre eux sont devenus des martyrs, comme la famille Ulma. Les Polonais représentent la part la plus importante de Justes parmi les nations. Par ailleurs, durant l’occupation de nombreux collaborateurs, y compris ceux qui ont aidé à persécuter les Juifs, ont été condamnés à mort par L’État clandestin polonais. Ce dernier a également soutenu le Conseil d’aide aux juifs «Żegota», la seule organisation de ce type en Europe occupée. L’État souterrain polonais, à travers ses émissaires, a fourni des efforts pour alarmer l’Occident sur les crimes contre les citoyens juifs (les missions de résistants tels que Jan Karski ou Witold Pilecki) en dépit de l’incrédulité à laquelle ils faisaient face.

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