Le Monde a enquêté sur des femmes diplômées portant le voile. Elle racontent leur difficulté à trouver un emploi.
Elles y vont le plus souvent avec la boule au ventre. Pour tout demandeur d’emploi, l’entretien d’embauche est une épreuve. Lorsqu’on est une femme et que l’on porte un voile, il devient vite un tourment. «Parfois, c’était plus le foulard que moi-même qu’on regardait», témoigne Myriam (les femmes interrogées ont souhaité préserver leur anonymat), une Parisienne de 23 ans titulaire d’un BTS d’assistant manageur.
Il arrive que, pendant l’entretien, le recruteur glisse une question à ce sujet. «On m’a déjà demandé : lorsque vous viendrez travailler, enlèverez-vous votre voile ?», se souvient la Toulousaine Samira, 24 ans, titulaire d’un DUT de techniques de commercialisation. Mais souvent, il demeure un non-dit.
Pourtant, c’est bien à ce moment-là que se referme, pour nombre de ces diplômées, la porte entre-ouverte de l’entreprise recruteuse que leur CV avait pourtant intéressée. Dans le huis clos de l’entretien d’embauche, les femmes voilées ressentent durement l’obstacle invisible qui leur est réservé sur la voie de l’emploi salarié, en particulier de l’emploi qualifié auxquels les ont préparées leurs diplômes.
C’est une réalité impossible à quantifier, difficile à saisir. «Le refus d’embauche est assez peu visible car il est très difficile de le démontrer», souligne Lila Charef, directrice exécutive du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). C’est pourtant une pratique bien réelle, dont le caractère insidieux n’empêche pas qu’elle soit contraire à la loi, qui interdit aux entreprises de discriminer lors de l’embauche, que ce soit en fonction de la religion, du sexe, de l’âge ou de tout critère autre que les compétences. «Elle a pour conséquence que le secteur privé devient une peau de chagrin pour ces femmes», ajoute Lila Charef. […]