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De l’idéal révolutionnaire de Mai 1968 à une social-démocratie bousculée par la mondialisation, “l’historien des mémoires française et algérienne”, Benjamin Stora, livre son parcours et, au-delà, celui d’une génération. Il est professeur à l’université Paris-XIII, inspecteur général de l’Éducation nationale et assure la présidence du conseil d’orientation de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration depuis août 2014.

Déception, trahison des idéaux de jeunesse ? […] Il a aidé aux réformes de la gauche au pouvoir, a bataillé contre les restrictions du droit de la nationalité, a plaidé pour une politique d’immigration ouverte, a éclairci par son travail universitaire les combats de mémoire autour de l’héritage de la colonisation et de la guerre d’Algérie.

Son témoignage est précieux, celui d’un juif pied-noir algérien, intégré à la France métropolitaine par le trotskisme, militant gauchiste, puis intellectuel réformiste. Son récit est irréfutable, et pourtant il pose une question dérangeante : faut-il vraiment battre sa coulpe ? Mai 1968, événement ambigu, fugace, inachevé, débouche-t-il nécessairement sur l’amertume. […]

Benjamin Stora est l’un des universitaires les plus respectés aujourd’hui, spécialiste incontournable des mémoires contradictoires et douloureuses de la France et de l’Algérie. Il a commencé comme révolutionnaire professionnel. Militant étudiant dans les années 60, il est séduit par la rhétorique enflammée des trotskistes, ces dissidents éternels et souvent héroïques du stalinisme qui domine encore, à cette époque, la vie de la gauche française. Il adhère à l’OCI, Organisation communiste internationaliste, dirigée par l’intelligence érudite et rigide de Pierre Lambert, l’un des «enfants du prophète», qui veut recueillir, en concurrence avec trois ou quatre autres chapelles, l’héritage de Léon Trotski […].

Jeune rebelle étudiant, piéton de Mai, Stora devient permanent de l’organisation, absorbé par la fraternité rude des militants professionnels, fasciné par le destin des moines-soldats de la révolution bolchevique. La révolte de Mai est pour lui une «répétition générale» du grand chambardement à venir. Il croit à la construction du Parti révolutionnaire, à l’inéluctable effondrement du capitalisme, à la discipline toute tacticienne imposée par Lambert à ses fidèles, à coups de séminaires de formation, d’endoctrinement intense et d’exclusions purificatrices. […].

Marqué par la déception, blessé par un drame familial cruel, Stora s’éloigne de la politique active et conduit une carrière universitaire brillante, tout entière dérivée de son attachement à l’Algérie de son enfance devenue indépendante, dont il connaît intimement les grandeurs et les déchirements. […]

Blog benjaminstora/Libération

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