Citée par Michel Houellebecq dans « Soumission », cette figure controversée, à l’influence mondiale, signe son autobiographie politique.
la politique commence par la fiction et elle y retourne. Quelques heures avant l’attentat djihadiste du 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo, l’hebdomadaire Valeurs actuelles annonçait sa « une » du lendemain : « Islam : et si Houellebecq avait raison ? » Cette couverture venait saluer la sortie de Soumission, roman publié le même jour chez Flammarion, dans lequel l’écrivain dépeint une France sous domination musulmane.
Or, à la page 157, l’un des personnages de Houellebecq conclut : « Dans un sens la vieille Bat Ye’or n’a pas tort, avec son fantasme de complot Eurabia. » Imposée par un sanglant télescopage entre l’actualité littéraire et l’événement terroriste, l’interrogation allait désormais courir, souterrainement, à travers une partie de la presse de droite et, au-delà, dans toute une blogosphère identitaire : si Houellebecq avait raison, serait-ce que Bat Ye’or n’a pas tort ?
Celle-ci était déjà très influente, objectera-t-on, bien avant les attentats de janvier 2015. Dès 2006, par exemple, le jeune historien Ivan Jablonka soulignait son aura internationale dans un riche dossier de La Vie des idées, revue fondée autour de Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France. Intitulé « La peur de l’islam. Bat Ye’or et le spectre de l’“Eurabie” », le dossier présentait l’itinéraire de cette auteure britannique, née au Caire en 1933, qui a travaillé sur le statut des dhimmis (minorités en terre d’islam) à l’époque médiévale, avant de signer en 2005 un pamphlet à l’écho sans frontières, Eurabia (Jean-Cyrille Godefroy, 2006), où elle accuse les élites européennes contemporaines de renoncer à leurs racines judéo-chrétiennes et de livrer leurs peuples à une nouvelle « dhimmitude ».