La page 2 du “Canard”, qui relaye chaque semaine les indiscrétions du pouvoir, est dans le collimateur de l’Elysée, qui dissuade comme il peut les bavards.
La page deux du Canard enchaîné est un bon indicateur de la cohésion gouvernementale. A la voir fourmiller d’informations sous forme de propos rapportés – souvent venimeux – attribués à divers ministres, voire au président lui-même, on mesure la solidité de l’édifice élyséen. Emmanuel Macron l’a bien compris. Quand il a lu, un mardi soir (le Canard parvient avec quelques heures d’avance au sommet de l’Etat), que l’hebdomadaire lui prêtait un tacle fielleux vis-à-vis de son ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, il a vu rouge, comme le relate L’Express, qui consacre sa “une” cette semaine à la com’ de Macron. “Le Maire a un côté serpent qui s’apprête à mordre”, aurait déclaré le chef de l’Etat.
“Ici, on ne parle pas au Canard”
En plus du démenti envoyé aux journalistes, il aurait demandé à son entourage d’appeler directement le volatile pour nier ses supposés persiflages. Une consigne restée lettre morte : “Ici, on ne parle pas au Canard”, affirme un proche du pouvoir. C’est qu’on se souvient sans doute, au Château, qu’un couac gouvernemental a vite fait d’arriver à force de bavasser avec des journalistes de l’hebdo satirique (cf. le quinquennat d’Hollande).
Emmanuel Macron aurait donc mis un point d’honneur à ce que la page 2, cette institution du journal centenaire, celle qui est réputée la plus lue, soit la plus pauvre possible. Assécher les sources, pour épuiser le palmipède : tel est le mot d’ordre. Du coup, l’entourage du président tient bien sa langue : “C’est un fin décrypteur de ce qui s’écrit, il identifie qui dit quoi, même en off. Du coup, chacun fait attention”, souligne un habitué du palais, qui se confie à L’Express. Les conseillers de Matignon et de l’Elysée se réjouissent ainsi d’avoir rendu la page 2 moins attractive, à l’instar de Gilles Boyer, conseiller d’Edouard Philippe : “J’adore qu’elle soit chiante”. (…)