Mais ce couple est formé de Fabien Vehlmann, le scénariste de Spirou et de la BD à succès Seul(s) et de la critique d’art Géraldine Courbe. Leur notoriété, ils ont décidé de la mettre au service de Fodé Condé, migrant guinéen orphelin qu’ils ont rencontré en novembre 2015 à la Pause-Kawa, une association qui prodigue de l’aide aux mineurs isolés sur l’agglomération nantaise.
Animés par l’envie d’être utiles, Fabien et Géraldine ont proposé différentes formes de soutien à ces adolescents ou jeunes majeurs qui viennent trouver un peu de réconfort dans cette association. Fabien Vehlmann a mis en place un atelier d’écriture pour aider ces jeunes exilés aux vies déjà bien cabossées à échanger, à parler, à raconter. Et parmi ces ados, il y avait Fodé…
Fodé Condé a quitté Conakry (Guinée) à l’âge de 15 ans grâce à la vente de la seule vache que sa mère possédait. Orphelin de père à l’âge de 5 ans, placé en famille d’accueil car sa mère ne pouvait subvenir à ses besoins, ce voyage vers l’ailleurs était synonyme d’espoir, de vie meilleure.
D’abord le Maroc où il a appris à mendier, puis le franchissement périlleux du mur-frontière de Melilla, cette enclave espagnole sur la côte marocaine, puis la traversée de la Méditerranée alors qu’il ne savait pas nager avant apprendre à son arrivée la mort de sa mère et enfin la France et une fin de parcours à Nantes après avoir été arrêté dans le train pour défaut de titre de transport. Des policiers nantais lui offriront un kébab, un détail qui compte.
Cette histoire, Fodé avait commencé à la coucher sur le papier. Fabien Vehlmann l’a donc encouragé et aidé à poursuivre son récit sur sa vie et son parcours. Fodé et Fabien se sont vus tous les mois, puis toutes les semaines. Les deux hommes ont appris à se connaître, à s’apprécier. De relectures en discussions ils ont tissé des liens si forts que Fabien Vehlmann et son épouse ne pouvaient en rester là.
Fin 2016, ils décident de l’héberger chez eux pour qu’il puisse étudier convenablement. Fini la chambre d’hôtel partagée avec un autre migrant, Fodé a une chambre à lui avec pour objectif de combler ses lacunes et de décrocher son bac STMG au lycée Mandela sur l’île de Nantes.
Ils lui paieront des cours de soutien en maths et en anglais puis lui proposeront de devenir ses “tiers de confiance” (les responsables légaux d’un mineur) peu de temps avant sa majorité. Une demande de titre de séjour est ensuite déposée à la Préfecture, accompagnée de nombreuses lettres de soutiens. Fodé décroche son bac avec mention “assez-bien, devient étudiant en BTS management des unités commerciales à Nantes et joue au foot en tant qu’attaquant au sein de l’équipe locale Nantes Sud 98. La vie semble sourire enfin à Fodé.
Mais le couperet est tombé le 16 janvier dernier : la préfecture de Loire-atlantique a rejeté sa demande de titre de séjour, assortie d’un délai d’un mois avant expulsion. “Les raisons invoquées semblent ne pas du tout tenir compte de son intégration exemplaire dans notre foyer et dans la société française”, explique Fabien Vehlmann “mais semblent juste sanctionner le fait que Fodé n’est “que” un migrant économique. Il a une maison, une famille prête à l’accueillir, une formation professionnalisante, des soutiens qui l’encouragent… et cela ne suffirait pas ? Son seul tort serait donc de fuir la misère, de ne pas être un réfugié de guerre ou de ne pas être surdiplômé, selon la distinction en vigueur entre les “bons” et les “mauvais” migrants ?”.
Fabien Vehlmann et son épouse ont déposé un recours et se battront pour que Fodé puisse vivre et se reconstruire en France, entourés de ses amis à qui il a présenté Fabien et Géraldine comme ses parents adoptifs, “ce qui a amené certains camarades à imaginer que Dodji (l’un des héros de ma série jeunesse « Seul(s) », un orphelin au grand cœur) a forcément été inspiré par Fodé” explique Fabien Vehlman, “alors que c’est juste une sorte d’incroyable clin d’œil du destin, comme si effectivement nos chemins devaient se croiser un jour.”
Merci à Alma