Pris en étau entre la montée d’un islam revendicatif et la défense laïque, beaucoup de catholiques se perçoivent comme une minorité menacée. Pour séduire cette communauté droitisée, FN et LR se livrent une course à la calotte. Entretien avec le directeur du département Opinion publique à l’IFOP. […]
Les catholiques se sont aussi violemment affrontés par essais interposés. L’an dernier, l’avocat chrétien-démocrate Erwan Le Morhedec dénonçait le repli identitaire d’une frange des catholiques tandis que le journaliste de Valeurs actuelles Laurent Dandrieu s’inquiétait des positions immigrationnistes du pape François. Laquelle de ces deux positions est la plus représentative de la rue catholique ?
Au-delà de leurs divisions, les catholiques pratiquants sont globalement assez rétifs à l’accueil des migrants et mal à l’aise, voire pour certains en opposition, avec la ligne papale. La minorité des cathos de gauche, moins audible qu’auparavant, n’a certes pas disparu, comme on le voit à Calais où des associations comme le Secours catholique viennent en aide aux migrants. Mais si l’on se focalise sur les cathos de droite, le match est clairement plié : le second tour de la primaire LR a montré que la ligne Fillon – « vaincre le totalitarisme islamique » et « soutien aux chrétiens d’Orient » -écrasait la ligne Juppé axée sur l’« identité heureuse ». Certes, le courant modéré issu de la démocratie chrétienne subsiste à droite, mais il est largement minoritaire. La frange pro-Bayrou est passée avec armes et bagages du côté de Macron.
Autrement dit, chez une majorité de catholiques, le souci de préserver son identité passe avant l’accueil de l’Autre.
En leur for intérieur, de nombreux catholiques sont tiraillés, mais le droit à la continuité historique l’emporte souvent sur le passage de l’Évangile « j’étais pauvre, j’étais un étranger, vous m’avez accueilli ». Car les questions migratoires renvoient à un autre fait social ressenti négativement : pendant que les églises se vident, les mosquées se remplissent. François Fillon avait bien senti la montée d’un sentiment de deux poids, deux mesures chez les catholiques et s’était prononcé « contre un nouveau tour de vis laïque » qui ferait payer à toute la classe les agissements d’un ou deux trublions. Beaucoup de catholiques ont ainsi l’impression que la République vient aujourd’hui leur chercher des poux dans la tête (interdictions des crèches dans les mairies, affaire de la statue de Ploérmel…). Ils voient dans ce regain de laïcité la remise en cause du statu quo qui prévalait depuis des décennies entre l’Église et la République aujourd’hui menacée par la montée de l’islam. Quand des textes évoquent pudiquement « le fait religieux en entreprise », cela fait rire tout le monde. Où y a-t-il des revendications catholiques en entreprise ?
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