Dans la capitale de la Saxe où la mairie propose une flânerie touristique dans les pas de l’ancien agent du KGB, le retour en grâce du maître du Kremlin, très palpable, se nourrit de la vague d’« ostalgie » qui traverse l’est de l’Allemagne, sur fond de rejet de Berlin, de montée du mouvement nationaliste Alternative pour l’Allemagne (AfD) et de doutes sur les choix politiques du pouvoir fédéral.
Au 4, rue Angelika, à Dresde, se dresse une maison massive dans un quartier résidentiel de demeures à colombages. « Centre d’anthroposophie Rudolf Steiner », est-il écrit sur la plaque placée à l’entrée de la petite propriété. Difficile d’imaginer que ce lieu tranquille fut jusqu’en 1989 le siège local redouté des tout-puissants services secrets soviétiques du KGB, qui coopéraient avec leur petit frère de la police politique est-allemande tout en le surveillant de près. C’est pourtant dans ce bâtiment que le jeune lieutenant-colonel Vladimir Poutine, 39 ans à l’époque, vécut dans une atmosphère de désarroi le traumatisme de la chute du mur de Berlin qui s’effondrait, tandis qu’à travers l’Allemagne divisée la liesse gagnait comme une traînée de poudre.
Dans ses Conversations à la « première personne » avec les journalistes Natalia Guevorkian et Andreï Kolesnikov, publiées avant son élection à la présidence russe en 2000, l’ancien espion lève un discret coin du voile sur ces folles journées où l’Histoire, d’un coup, bascula. Le 5 décembre 1989, la foule des manifestants prit d’assaut le siège régional de la Stasi de Dresde dans une rue proche d’Angelika Strasse, forçant les barrières du bâtiment, un haut lieu de torture et de terreur depuis des décennies. Une réaction populaire que Poutine dit « avoir compris » , vu que la RDA était un « pays totalitaire » , « sur notre modèle » , mais « gelé » dans le temps, alors même que la perestroïka battait son plein. (…)