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21/02/2018



19/02/2018

Entre pressions et rendez-vous secrets, «Libération» a rencontré des obstacles sans précédent dans une enquête qui entremêle vie privée et vie militante.

Des victimes qui trouvent la force de parler. Des faits les plus précis possible, et donc souvent crus. Des témoins qui corroborent. C’est la base d’un article sur des faits de harcèlement, d’agression sexuelle et de viol. Ces cases sont parfois difficiles à cocher, mais avec l’Unef, des obstacles de taille ont surgi au fil de nos trois mois d’enquête. Quel que soit le sujet (pouvoir, argent ou sexe), s’intéresser au fonctionnement d’une organisation oblige à décortiquer l’imbrication entre la vie privée et la vie militante. Dans le cas du syndicat étudiant, c’est une cartographie politique et intime complexe qu’il a fallu dresser. De jeunes adultes ont littéralement passé leur vie ensemble pendant des années. Dix ans plus tard, les compagnons des unes aujourd’hui ont pu être les agresseurs des autres hier.

Il nous a fallu du temps pour le comprendre et expliquer le silence. Surmonter la défiance, contacter les victimes, les écouter. Pendant des semaines nous n’avons fait que cela, souvent avec l’aide de certains anciens dans le rôle d’intermédiaires. Après les premiers contacts, les conversations téléphoniques restent redoutées car souvent leurs proches ne sont pas au courant, il faut donc prendre rendez-vous pour un moment où elles sont sûres d’être seules. Et promettre l’anonymat total à celles qui le réclament tout en tentant de les convaincre que des témoignages à visage et nom découverts renforcent la crédibilité de leurs propos. Même anonymes – par culture du secret persistante ou volonté de ne pas retomber dans des souvenirs douloureux –, les victimes ont été nombreuses à ne pas vouloir s’exprimer. Ce paradoxe a d’ailleurs persisté longtemps.

Des témoins qui parlent, des récits circonstanciés et recoupés mais des victimes, elles, qui se taisent ou éludent les faits les plus graves. Corollaire de leurs années de militantisme partagé, les anciens camarades ont gardé (pour certains) des liens d’amitié ou (pour d’autres) des rapports hiérarchiques. De ce fait, les informations circulent à la vitesse de l’éclair au sein de ce réseau ressuscité. Au fil de nos recherches, il a donc fallu avancer en partie à découvert. L’identité des personnes interrogées, le contenu de nos entretiens ou les pistes explorées se sont souvent retrouvées au cœur de discussions (numériques ou physiques) entre anciens de l’Unef. Une transparence en mode «qui a dit quoi» qui a pu tétaniser certaines victimes. Pour savoir s’ils étaient concernés ou faire pression, quelques hommes ont renoué avec des textos insistants. Des victimes qui s’expriment ou dont on redoute qu’elles le fassent ont reçu d’étranges coups de fil de l’étranger. Certaines ont vu leurs comptes sur les réseaux sociaux être la cible de tentative de piratages.  (…)

 

L’enquête

«Libération» a recueilli les témoignages de seize femmes victimes déclarées de harcèlement, d’agressions sexuelles et de viols de la part de dirigeants de l’organisation étudiante entre 2007 et 2015. Longtemps inaudibles, ou silencieuses, ces anciennes militantes racontent des années de sexisme du syndicat et son apparent laisser-faire face aux violences sexuelles.

(…) Libération

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