Pour le politologue Luc Rouban, nous payons la fin du compromis gaullien qui articulait l’élitisme de la haute fonction publique à une forme de populisme à travers l’usage régulier de référendums.
Dans votre livre “La démocratie représentative est-elle en crise?” (Ed. La documentation française), vous dressez le portrait d’un fonctionnement démocratique qui “tourne à vide” en vous basant notamment sur les chiffres de la participation à l’élection présidentielle, le taux historiquement bas de participation aux élections législatives et une défiance croissance des citoyens envers ce système et nos institutions. Comment expliquez-vous ce bilan ?
La crise de confiance non seulement dans les institutions mais aussi dans le personnel politique, qu’il soit national ou local, s’est aggravée récemment. La grande surprise en janvier 2018 a été de découvrir que les Français avaient encore moins confiance dans leurs députés et leurs maires que du temps de François Hollande. Seuls le président de la République et le Premier ministre enregistrent des scores positifs par rapport à ceux de début 2017 mais il est vrai que les résultats de François Hollande et de Manuel Valls avaient alors battu des records de défiance.
Cela veut dire que les élections de 2017 n’ont rien réglé et que le renouveau de la vie politique prôné par le macronisme est loin d’avoir rempli son programme. Comme je l’expose dans l’ouvrage, ce résultat n’est pas lié aux mécanismes institutionnels de la Ve République mais bien plus à une évolution de la philosophie comme de la sociologie du pouvoir. Du côté de la philosophie, on paie aujourd’hui la fin de ce que j’appelle le compromis gaullien qui articulait l’élitisme de la haute fonction publique à une forme de populisme à travers l’usage régulier de référendums. Aujourd’hui, le macronisme reste un pouvoir élitiste et l’électorat d’Emmanuel Macron, diplômé et provenant en bonne proportion des catégories aisées, préfère un pouvoir vertical qui associe les experts à la mise en oeuvre rapide des décisions du gouvernement. En face, on a presque la moitié de l’électorat du premier tour de l’élection présidentielle, souvent issus des catégories modestes, qui aspire à plus de démocratie directe et notamment de référendums.
C’est là que se pose la question sociologique : seuls les plus diplômés et les catégories socioprofessionnelles supérieures ont encore confiance dans le politique. Les catégories modestes sont en revanche particulièrement défiantes. C’est là qu’il faut analyser les ressorts de la confiance politique. […]