Ses surnoms en disent déjà long. Elue officiellement secrétaire générale de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), réunie en congrès ce lundi à Berlin, Annegret Kramp-Karrenbauer, 55 ans, est tour à tour désignée comme «la mini Merkel», «la Merkel de la Sarre», ou plus prosaïquement par ses initiales, «AKK». Si la ministre-présidente de la Sarre, petit Land de l’ouest du pays, est connue et appréciée au sein du parti, le grand public ne la connaît guère. Et bien des Allemands ont découvert son visage lorsqu’elle fut récemment désignée par la chancelière pour occuper ce poste crucial : numéro 2 d’un parti certes vainqueur des législatives mais affaibli par un score très décevant (32 % des voix) et, surtout, tiraillé entre son aile centriste et son aile plus conservatrice.
«AKK» devient la deuxième femme à être élue secrétaire générale de la CDU. «Sa désignation est indéniablement un coup très habile de Merkel, dans la mesure où il lui était reproché de ne pas mettre en place sa propre succession», analyse le politologue Marcel Dirsus, de l’université de Kiel.
Et pour ce faire, la chancelière a adroitement choisi une femme qui fait consensus au sein du parti, lui ressemble par son style politique et peut se targuer d’une éclatante victoire électorale : lors de législatives dans la Sarre, au printemps, la CDU a écrasé les sociaux-démocrates du SPD. A l’époque, ces derniers étaient pourtant loin d’être le navire en perdition que nous connaissons désormais. Le parti, qui surfait alors sur «l’effet Schulz» et culminait à plus de 30 % des intentions de vote, flirte désormais avec les 15 %. De fait, la Sarre est gouvernée par une coalition avec le SPD. Une réplique à petite échelle de ce qui attend probablement de nouveau les Allemands ces prochaines années.
AKK cultive néanmoins des différences avec la chancelière. Beaucoup de membres de la CDU reprochent à Merkel de s’être égarée dans une politique trop centriste et pas assez conservatrice (entre autres, l’accueil des réfugiés ou le mariage pour tous). A ce titre, la désignation d’Annegret Kramp-Karrenbauer peut les rassurer : elle est bien plus traditionnelle que Merkel sur ces sujets. Catholique pratiquante, alors que Merkel est protestante, elle s’oppose fermement au mariage pour tous, mais aussi à la suppression du paragraphe 219a du code pénal allemand, qui réprime la publicité pour l’avortement. «Contrairement à Merkel qui agit en tacticienne, pour elle, ce sont des sujets politiques d’envergure et elle tient à cette vision catholique et traditionnelle de la famille», explique Uwe Jun, politologue à l’université de Trèves.
Si Angela Merkel n’est pas une idéologue, AKK l’est, sans conteste. «Certaines de ses idées devraient rendre la gauche assez malheureuse, mais elles semblent plus conformes à ce que veut la CDU, analyse le politologue Marcel Dirsus. Avec la crise des réfugiés, Merkel est devenue un chiffon rouge pour beaucoup de gens dans le parti.» AKK est également plus dure que Merkel sur l’expulsion des migrants déboutés du droit d’asile. Et cela plaît : la plupart des militants CDU rencontrés lundi au congrès du parti semblent se réjouir de sa désignation, et évoquent une femme «droite», qui sera à même de «faire représenter les diverses sensibilités au sein du parti». Un parti qu’elle connaît par cœur pour avoir grandi avec lui : elle en a poussé la porte en 1981, à 19 ans. (…)