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«Le mâle blanc s’est imposé comme le modèle de base d’être humain […] et plus on se différencie de ce modèle, et plus il devient facile de piétiner vos droits. Si les super-héros sont censés représenter le meilleur de nous-mêmes, ils devraient tous nous refléter, sinon on va finir par intérioriser l’idée que l’homme blanc hétéro est le meilleur d’entre nous.» Il y a quatre ans, la scénariste Kelly Sue DeConnick expliquait à Vox les raisons qui présidaient au changement de ligne éditoriale chez Marvel et dans toute une industrie qui s’ouvrait aux femmes (auteures comme héroïnes) et, partant, à l’autre, qu’il soit noir, gay, musulman… Ce qui n’était au départ qu’une brèche s’est transformé en mutation, inscrite jusque dans la chair des héros : Thor est aujourd’hui une femme, Hulk un ado asiatique, Iceberg aime les hommes, tandis que la Barbie Miss Marvel a été remplacée par une ado musulmane d’origine pakistanaise. «All-New, All-Different Marvel», dit le slogan. Un renouveau qui, sans totalement balayer les problèmes de représentation sexiste, marquait la fin d’une ère d’exaltation viriloïde dont l’apogée remonte aux années 90.

Au-dessus des préoccupations marketing court-termistes avec lesquelles Marvel se débat sans trouver de formule qui élargirait une audience de plus en plus famélique, cet élan sonnait comme un retour au socle de valeurs fondamentales des comics, qui ont toujours porté en eux la défense des minorités. Un héritage des pères fondateurs, immigrants juifs arrivés aux Etats-Unis dans les années 30, qui invoquaient la protection de mythes actualisés lorsque l’humanité semblait se déliter. Un truc aussi dans l’ADN du héros, qui en fait un bouclier derrière lequel les faibles et les mal-aimés peuvent s’abriter. Le plus bel exemple restant les X-Men, équipe de freaks à géométrie, géographie, genre et sexualité variables, dans laquelle chacun peut trouver un miroir sur lequel projeter ses inquiétudes et les dépasser : «Mutant and Proud.»

Mais le répit n’aura pas duré. En mars 2017, un vice-président de Marvel préparait les esprits à un reflux moral : selon divers retours, «les lecteurs ne veulent plus de diversité et de personnages féminins», ce qui expliquerait la chute des ventes. Durant l’été, une bruyante frange de lecteurs entamait une campagne de harcèlement contre les auteures Marvel après que certaines ont eu l’outrecuidance de célébrer d’un selfie la mémoire de Flo Steinberg, l’une des premières femmes à se faire une place dans le comics.  (…)

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