Tous les jours, la presse mahoraise se fait l’écho de ces faits divers violents. De nouveau, samedi 10 mars, un enseignant qui allait rendre visite à un ami à Mtsapéré a pris un coup de chombo (couteau) dans le dos et s’est fait dépouiller. Le même jour, un jeune s’est également fait taillader la jambe à coups de machette. Se déplacer la nuit tombée est périlleux. Les « coupeurs de route », ces jeunes délinquants qui dressent des barrages sauvages sur les axes routiers pour racketter, parfois violemment, les automobilistes, font régner la terreur.
« Quand je me lève le matin, je regarde d’abord si les fenêtres sont encore fermées, raconte cette mère de famille. Mes enfants dorment avec moi, alors qu’ils ont leur chambre. L’aîné accroche son vélo au pied du lit de peur de se le faire voler. » « Dès qu’on entend un lézard, on a peur à Mayotte », résume-t-elle.
Ce sont deux mondes qui se font face : d’un côté ces habitations hérissées de barbelés et équipées de télésurveillance, de l’autre ces banga (cabanes) de tôle, qui s’entassent à flanc de colline où logent sans droits les immigrés clandestins. Comme à Hamouro, un ancien village de pêcheurs dans le sud de la Grande-Terre. Dans la partie haute vivent les Mahorais. La partie basse, de l’autre côté de la route, sur la zone côtière théoriquement inconstructible, est couverte de banga.
Des dizaines de milliers de Comoriens clandestins accostent chaque année à Mayotte, à bord de frêles embarcations, les kwassa-kwassa. Même si les reconduites à la frontière opérées à Mayotte représentent la moitié du total effectué par la France, une dizaine de milliers de clandestins demeurent chaque année, générant un très fort déséquilibre démographique. Les systèmes éducatifs et sanitaires sont débordés. Des milliers d’enfants abandonnés traînent dans les rues. L’économie formelle a été submergée par l’économie informelle.
Mayotte, de tradition accueillante et multiculturelle, est devenue « le déversoir des problèmes comoriens », comme le notaient des parlementaires mahorais dans une adresse au président de la République, François Hollande, en 2016. C’est à l’ensemble de ces défis, d’une ampleur inouïe, que l’Etat doit apporter des réponses urgentes et de long terme.