Comment le pouvoir russe utilise Internet pour tenter de déstabiliser les démocraties occidentales… Menée par Paul Moreira, une enquête rigoureuse, qui met des visages et des faits sur une nébuleuse soigneusement entretenue.
Le 29 mai 2017, le président français Emmanuel Macron fraîchement élu accueille à Versailles son homologue Vladimir Poutine, et accuse la chaîne internationale RT (Russia Today) et le site Sputnik d’avoir œuvré durant la campagne électorale française comme des organes de propagande en faveur de Marine Le Pen, sur ordre du Kremlin. “Apportez-nous les preuves”, rétorque en substance le président russe, aujourd’hui candidat à un quatrième mandat. C’est ce que fait Paul Moreira dans cette enquête rigoureuse, exposant un pan de la machine russe à désinformer, au travers, notamment, de la manière dont elle s’est mise au service de Marine Le Pen dans la course à la présidence française, mais aussi de ses faits d’armes pro-Trump aux États-Unis, et pro AfD (le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland) en Allemagne.
“Usine à trolls”
Paul Moreira interroge la jeune patronne de RT, Margarita Simonian, qui sait tourner en ridicule dans un clip malicieux ceux qui dénoncent son asservissement au Kremlin. Il parvient aussi à faire parler (en caméra cachée) le guerrier de l’ombre Konstantin Rykov, hacker et ancien député pro-Poutine, qui a joué un rôle clé dans les campagnes américaine et française. D’une “usine à trolls” de Saint-Pétersbourg, où de jeunes professionnels du Web fabriquent 24 heures sur 24 des fake news, aux confidences du député européen d’extrême droite Jean-Luc Schaffhauser, qui a négocié les prêts russes au Front national, de la profession de foi ultraconservatrice de l’oligarque Konstantin Malofeev aux mensonges par omission du leader de l’AfD Alexander Gauland, Paul Moreira a enquêté plusieurs mois pour établir des liens entre le sommet du pouvoir russe et les vagues de désinformation dénoncées par le président français comme par les services secrets américains. Son documentaire éloquent met ainsi des faits, des mots et des visages sur une nébuleuse soigneusement entretenue, dont les combattants ont appris à effacer les traces.