18/03
Le Vatican a fini par publier l’intégralité de la lettre de Benoît XVI. En se défendant de toute censure.
« Soit dit en passant, je voudrais signaler ma surprise, concernant la présence parmi les auteurs du Professeur Hünermann, qui durant mon pontificat a été à l’origine d’initiatives opposées à la papauté. Il a joué un rôle de premier plan dans la publication de la “Kölner Erklärung” (la Déclaration de Cologne), qui, en relation avec l’encyclique “Veritatis splendor” a attaqué avec virulence l’autorité magistérielle du pape, spécialement sur des questions de théologie morale. De même le “Europaische Theologengesellschaft” qu’il a fondé, s’est initialement illustré comme une organisation en opposition au magistère pontifical. Par la suite, le sentiment ecclésial de nombreux théologiens a mis obstacle à cette orientation, transformant cette organisation en un instrument normal de rencontre entre théologiens. » (Traduction issue du Forum catholique)
Merci à Thiebault
15/03
Le Vatican a admis mercredi avoir modifié une photo envoyée aux médias d’une lettre du pape retraité Benoît XVI sur le pape François d’une façon qui en change le sens, et ce à l’encontre des normes déontologiques du photojournalisme.
(…) La lettre avait été citée par Mgr Viganò, le responsable de la communication au Vatican, afin de réfuter les critiques de ceux qui mettent en doute la sûreté de François sur les questions théologiques et philosophiques et affirment qu’il est en rupture avec la doctrine papale de Benoît XVI.
(…)
Le Vatican a finalement reconnu face à l’Associated Press avoir délibérément flouté les deux dernières lignes de la première page où Benoît XVI explique n’avoir pas réellement lu les livres en question, écrivant en effet ne pas pouvoir répondre à la demande de Mgr Viganò qui lui demandait de contribuer à l’évaluation théologique du pontificat de François, puisque d’autres projets l’en empêchaient.
Un porte-parole du Vatican, s’exprimant sous condition d’anonymat, n’a pas expliqué pourquoi le Saint-Siège avait flouté les lignes, sinon pour affirmer qu’il n’avait jamais voulu publier la lettre entière : de fait, toute la deuxième partie de la lettre est recouverte sur la photo d’une pile de livres, à l’exception de la minuscule signature de Benoît XVI qui en prouve l’authenticité.
Le contenu manquant modifie significativement le sens des citations choisies et mis en évidence par le Vatican, et par ailleurs largement reprises dans les grands média. Elles suggéraient en effet que Benoît XVI avait lu le volume, était en accord avec lui et lui avait donné son plein appui et son approbation. La retouche de la photographie est un fait important, car c’est sur les photos que les média se fondent pour récupérer des images du pape lors d’événements fermés aux média indépendants.
Mgr Viganò a lu certaines parties de la lettre lors de la conférence de presse pour lancer la collection d’opuscules, dont les lignes floutées. C’est ainsi que le journaliste Sandro Magister, qui avait assisté à cette présentation, a pu retranscrire ces passages sur son blogue. Toutefois Mgr Viganò n’a pas lu toute la lettre et la Vatican n’a pas répondu à une demande de consultation de son texte intégral.
La plupart des média indépendants, dont Associated Press, appliquent des normes strictes qui réprouvent la manipulation numériques des photographies : « Aucun élément ne doit être numériquement ajouté ou soustrait à une photographie » d’après cette norme, considérée comme la norme générale parmi les agences de presse.
Mgr Viganò est à la tête du nouveau Secrétariat pour les Communications au Vatican, dont le but était de rassembler sous un même toit l’ensemble des médias vaticanais, afin de réduire les coûts et d’augmenter leur efficacité, dans le cadre des réformes de François. Par ailleurs un message diffusé à l’occasion de la Journée mondiale des communications sociales dénonçait les fake news comme mauvaises et exhortait les médias à chercher la vérité.
Associated Press (traduction FdS)
Quand Mgr Viganò dénonçait les « fake news » :
« Il n’est pas difficile de reconnaître les fake news car elles imitent les vrais nouvelles, c’est la dynamique ordinaire du mal qui se présente toujours comme un bien facilement accessible. L’efficacité dramatique de ce genre de contenus réside principalement dans la dissimulation du mensonge, en apparence plausible aux yeux de certains, et en agissant sur les compétences, les attentes et les préjugés enracinés dans des groupes sociaux plus ou moins définis. »
L’avvenire (traduction FdS), 24 janvier 2018
14/03
Lundi 12 mars, à l’occasion des cinq ans du pontificat du pape François, le préfet du Secrétariat pour la communication, Mgr Viganò, rendait public une lettre de Benoît XVI en la présentant comme une apologie de la profondeur théologique du nouveau pape. Elle est reprise sans rectification dès le lendemain dans les grands journaux italiens (par ex. : le Corriere della Sera), dans les organes de presse officiels du Vatican (par ex. : VaticanNews) puis dans la presse catholique française (par ex. : La Croix).
Pourtant, comme le note le rédacteur en chef de la Nuova Bussola, il s’est agi en fait d’une opération de communication entièrement montée par Mgr Viganò, avec la complicité de ce qu’il appelle la « caste des vaticanistes ».
La lettre du Pape émérite en faveur de François s’est avérée être une opération médiatique montée par le préfet du Secrétariat aux Communications, Monseigneur Viganò (avec la complicité de la caste des vaticanistes).
S’il est le “dominus” de la communication au Vatican, il serait bon que le Pape François commence à s’inquiéter sérieusement. Nous parlons évidemment de Mgr Dario Edoardo Viganò, puissant préfet du Secrétariat à la Communication, qui retourne comme une chaussette chaque média du Saint-Siège pour les transformer en une très efficace machine de guerre dont les multiples canons sont tous focalisés sur le même objectif.
Car en effet, à l’occasion du cinquième anniversaire du pontificat de François, Mgr Viganò avait préparé un coup de théâtre : une lettre de Benoît XVI exaltant la profondeur théologique de François et soulignant la continuité entre leurs deux pontificats. Le coup avait parfaitement réussi : hier, tous les journaux rapportaient avec force bruit que Benoît XVI désapprouvait les détracteurs du pape François. Présentée par Vatican News – le nouveau portail d’information du Vatican, créé par ce même Mgr Viganò – comme une « contribution » que Benoît XVI « voulait donner » pour témoigner de « l’unité spirituelle intérieure des deux pontificats ». D’après ce même site, il s’agit en effet d’une lettre reçue par Mgr Viganò à l’occasion de la présentation d’une série de onze opuscules publiée par la Libreria Editrice Vaticana (LEV) et intitulée La Théologie du Pape François, et dans laquelle est proposée une analyse de ce pontificat par divers théologiens du monde entier.
C’est donc au cours de cette conférence de presse que Mgr Viganò a lu des passages de cette lettre, qui ont sans nul doute impressionné l’auditoire :
J’applaudis à cette initiative visant à s’opposer et réagir contre le préjugé stupide en vertu duquel le pape François ne serait qu’un homme pratique dénué de toute formation théologique ou philosophique tandis que je ne serais moi-même qu’un théoricien de la théologie qui n’aurait pas compris grand-chose de la vie concrète d’un chrétien d’aujourd’hui.
Ou encore :
Ces petits volumes montrent, à juste titre, que le Pape François est un homme doté d’une profonde formation philosophique et théologique et ils aident en cela à voir la continuité intérieure entre les deux pontificats, nonobstant toutes les différences de style et de tempérament.
Ces déclarations ont suffi à déchaîner l’enthousiasme des journalistes laïcs tout comme des habituels « gardiens de la révolution », non sans une pointe de triomphalisme, tel le P. Antonio Spadaro, directeur de la Civiltà Cattolica qui n’a naturellement pas manqué l’occasion de moquer une fois encore via Twitter les cardinaux des Dubia [NdT : une série de questions adressées par quatre cardinaux au pape François au sujet de l’orthodoxie contestée de l’encyclique Amoris lætitia. Voir l’article wikipédia pour plus d’informations.]
Pourtant, beaucoup ont remarqué la singularité du message tant pour son style – très différent des autres interventions du pape émérite – que pour son contenu, même si la portée est en réalité beaucoup moins choquante que ce qui a été fait croire.
Hier en effet, le blog de Sandro Magister a publié la lettre complète de Benoît XVI (jamais parue dans Vatican News) ; il apparaît clairement que Mgr Viganò a occulté deux détails décisifs en mesure d’inverser le sens de la lettre :
- le premier, concernant les circonstances du message : datée du 7 février (il y a plus d’un mois), la lettre est une réponse du pape Benoît XVI à Mgr Viganò qui lui avait envoyé les 11 volumes le 12 janvier afin de lui demander une contribution théologique. Il s’agit donc d’une lettre de courtoisie et non d’une volonté affirmée d’exprimer son soutien à François à l’occasion du cinquième anniversaire de son pontificat.
- Le second détail est encore plus étonnant : Mgr Viganò ne citait en effet que deux paragraphes de la lettre, en laissant de côté le troisième et qui, se référant aux 11 volumes reçus, dit :
Toutefois, je ne peux pas rédiger une brève et dense page théologique à leur sujet parce que toute ma vie, il a toujours été clair que je n’écrirais et que je ne m’exprimerais jamais que sur les livres que j’aurais vraiment lus. Malheureusement, notamment pour des raisons de santé, je ne suis pas en mesure de lire les onze petits volumes dans un avenir proche, d’autant plus que d’autres engagements que j’ai déjà acceptés m’attendent.
En bref : Viganò écrit à Benoît XVI pour lui arracher une « page théologique dense » à insérer comme trophée pour la présentation de la série. Mais le pape émérite, dans le style humble et doucement ironique qui lui est propre, lui répond : « Non merci. Très aimable, mais j’ai des choses plus importantes à faire que de lire ces contributions (pas particulièrement attrayantes à la lecture du seul sommaire) et que d’écrire à mon tour un essai ». Une porte claquée au visage, donc, et que Viganò a essayé d’utiliser selon son but original.
En effet, si les phrases qu’il a citées dans sa conférence de presse semblent donner l’impression d’un fort soutien de Ratzinger au pontificat de François, il est très probable que si nous pouvions lire la lettre que Mgr Viganò avait adressé à Benoît XVI le 12 janvier, le sens de la réponse nous apparaîtrait plus clairement encore. Il est assez habituel dans ces cas-là en effet, que la réponse soit faite avec courtoisie et en réutilisant des phrases ou des idées de la lettre du demandeur.
Quoi qu’il en soit, et quelles que soient les déclarations officielles, comme le dirait le regretté cardinal Carlo Caffarra, seul un aveugle pourrait ne pas constater que la discontinuité du pontificat de François vis-à-vis de son prédecesseur va au-delà des différences de style ou de tempérament.
Notons ici la maladresse et l’idiotie de certaines opérations médiatiques : certainement, les grands médias ne se corrigeront pas et laisseront à leurs lecteurs ou auditeurs le sentiment d’un pape Benoît XVI soutenant le Pape François. Cela les arrange parfaitement aujourd’hui. Mais il n’en demeure pas moins que les journalistes qui s’occupent des affaires ecclésiastiques savent désormais que la personne chargée de la communication au Vatican n’a aucun scrupule à manipuler scrupuleusement les informations pour en retirer l’effet médiatique qu’il souhaite. Et il pourrait en résulter beaucoup d’embarras, aussi bien pour le pape que pour l’Église.
P.S. de Sandro Magister :
Cher Cascioli [NdT : l’auteur de l’article ci-dessus], je voudrais souligner un autre détail dans cette histoire de la lettre de Benoît XVI. Il se trouve que j’étais présent à la présentation des opuscules sur la théologie du Pape François, et avec moi une vingtaine d’autres vaticanistes. Le communiqué de presse qui a été distribué ne comportait, entre guillemets, que les deux paragraphes qui ont produit le résultat que nous avons vu.
Le lendemain, j’ai essayé de retrouver si le texte intégral de la lettre avait été publié quelque part. En vain. Alors je me suis dit : ça suffit ! J’ai récupéré l’enregistrement vidéo du discours de Viganò et, muni de ce document, j’ai retranscrit le texte intégral de la lettre.
C’est ainsi qu’une vingtaine de vaticanistes au moins avaient entendu de leurs propres oreilles la lettre complète de Benoît XVI, et pourtant tout s’est passé de la manière que nous savons bien. Ce n’est pas là une page bien brillante de l’histoire de notre profession. L’opprobre n’est pas à jeter sur Viganò uniquement.
La Nuova Bussola (traduction FdeSouche)
La lettre complète (traduction : Diakonos.be à partir du texte original divulgué par Sandro Magister) :
Benedictus XVI
Papa Emeritus
Rev.mo Signore
Mons. Dario Edoardo Viganò
Préfet du Secrétariat pour la communication
Cité du Vatican
Le 7 février 2018
Monseigneur,
Je vous remercie pour votre aimable lettre du 12 janvier et pour le cadeau qui y était joint contenant les onze petits volumes sous la direction de Roberto Repole.
J’applaudis à cette initiative visant à s’opposer et réagir contre le préjugé stupide en vertu duquel le pape François ne serait qu’un homme pratique dénué de toute formation théologique ou philosophique tandis que je ne serais moi-même qu’un théoricien de la théologie qui n’aurait pas compris grand-chose de la vie concrète d’un chrétien d’aujourd’hui.
Ces petits volumes montrent, à juste titre, que le Pape François est un homme doté d’une profonde formation philosophique et théologique et ils aident en cela à voir la continuité intérieure entre les deux pontificats, nonobstant toutes les différences de style et de tempérament.
Toutefois, je ne peux pas rédiger une brève et dense page théologique à leur sujet parce que toute ma vie, il a toujours été clair que je n’écrirais et que je ne m’exprimerais jamais que sur les livres que j’aurais vraiment lus. Malheureusement, notamment pour des raisons de santé, je ne suis pas en mesure de lire les onze petits volumes dans un avenir proche, d’autant plus que d’autres engagements que j’ai déjà accepté m’attendent.
Je suis sûr que vous comprendrez et je vous salue cordialement.
Bien à vous,
Benoît XVI