Au yeux du politologue Ezra Suleiman, le monde occidental peut encore se sortir de la spirale du déclin. Il s’inquiète cependant de la montée des “antilibéraux”.
Ezra N. Suleiman, né en Irak, ancien directeur du programme Young Leaders à la Fondation franco-américaine, enseigne les études européennes à l’université de Princeton (Etats-Unis).
Il y a cent ans, Oswald Spengler a prophétisé le “déclin de l’Occident”. Avait-il raison ?
Spengler a certes sous-estimé la capacité de l’Occident à se renouveler et à se défendre. En tout cas, depuis son livre fameux, une des erreurs récurrentes des Occidentaux a consisté à tenir la liberté pour quelque chose de définitivement acquis. C’est d’ailleurs ce reproche qu’on peut faire au récit global le plus célèbre de la période post-guerre froide, juste après l’écroulement du mur de Berlin: celui du politologue américain Francis Fukuyama.
Fukuyama estimait que l’Histoire, avec la victoire des démocraties sur le communisme, avait cessé d’être imprévisible et ouverte à l’inconnu. En fait, le triomphe du libéralisme démocratique, de l’Etat de droit et de l’attachement aux droits de l’homme s’est avéré partiel, fragile et réversible. Au coeur de l’Europe, un leader comme Viktor Orban, à la tête de la Hongrie, réclame une démocratie illibérale.
Les démocraties illibérales sont-elles un danger ?
Oui, un danger notable. Car, à chaque étape de leur histoire, les démocraties ont toujours eu du mal à combattre les régimes autoritaires. Aujourd’hui, les régimes illibéraux et les autocraties antidémocratiques nous défient , avec le secret espoir que nous cherchions à les imiter, comme Bernard-Henri Lévy le souligne. Il a aussi raison d’affirmer qu’avec Trump, le leadership américain s’écarte fortement de l’éthique démocratique. […]