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FIGAROVOX/ENTRETIEN – Alors qu’il a été élevé loin de la foi chrétienne, Julien Leclercq a fait un jour la rencontre de Dieu. Il raconte, dans Catholique débutant, le récit de sa conversion, en même temps qu’il livre un aperçu des doutes et des motifs d’espérance qu’éprouvent les catholiques de son temps.

Vous vous êtes convertis au catholicisme à l’âge de trente ans. Comment expliquez-vous cette conversion tardive, alors que jusque-là vous étiez fier de ne jamais mettre les pieds à l’Église?

J’ai effectivement été fier de ne pas entrer dans une église, y compris lorsque j’étais invité pour une communion ou pour un mariage. Je restais à la porte et j’attendais que tout le monde sorte. Mais Jésus m’a attendu, et moi je l’ai entendu. (…)

Adolescent, vous avez même été jusqu’à cracher sur le Christ. Pourquoi cette violence à l’égard de la religion?

Parce que j’étais avant tout le produit d’une époque et – bien plus encore – celui d’une génération. À la télévision comme à l’école, nous avons appris que la religion était synonyme d’obscurantisme. De rétrécissement de la pensée. De fanatisme. J’ai malgré moi véhiculé ces préjugés et mon tempérament volontiers provocateur a fait le reste… Je pensais être rebelle en rejetant le sacré, alors que je ne faisais qu’obéir au conformisme ambiant. Je pensais répondre à une violence par une autre violence, jusqu’à la prise de conscience. J’ai ensuite compris qu’il s’agissait d’une peur de l’amour. J’ai eu peur d’aimer le Christ. Son amour est si gratuit, si grand, que je ne me sentais pas capable de l’aimer en retour.

(…)

Vous expliquez qu’au collège, vous avez été insulté parce que vous étiez le seul blanc de votre classe. «Même si je ne voulais pas entrer dans une église, j’étais, malgré tout, le catholique», écrivez-vous. Cela a-t-il compté, même inconsciemment, dans votre itinéraire?

Cela a en effet été perturbant. Je pensais être athée et, malgré tout, j’étais assimilé à une culture chrétienne que je rejetais! Le Christ sème plusieurs graines dans nos vies, et, avec du recul, ce renvoi à ma chrétienté «culturelle» était peut-être un signe avant-coureur. Dans plusieurs quartiers de France, il en est de même pour les enfants juifs qui – même sans croire – sont assignés à résidence en raison de leur «religion supposée». Inconsciemment, je vous l’accorde, cela peut compter dans un itinéraire car cela implique cette question redoutable: qui suis-je et, surtout, de quelle culture suis-je l’héritier? Je rends finalement grâce à ceux qui m’enfermaient dans la caricature du «petit blanc catho» que je récusais. Cela m’a permis de prendre ma Croix quinze ans après pour grandir et m’épanouir avec Jésus.

«Lorsqu’une religion devient folklorique, le danger guette», écrivez-vous. L’islam culturel, fondé sur des interdits alimentaires, est-il devenu un étendard et une manière de rejeter la culture française?

Lorsqu’une religion se ferme avec ses interdits et que ses fidèles se regroupent derrière un étendard, il y a, en effet, un risque. Les frontières entre la fermeture et le sectarisme sont poreuses… Tous les croyants méritent respect et considération, mais lorsqu’un fidèle se retranche derrière ses lois pour attaquer les autres, il y a péril en la demeure. Malheureusement, plusieurs sourates coraniques justifient ce retranchement. J’ai été collégien dans un établissement à majorité musulmane, j’ai bien vu que l’islam était le refuge privilégié pour ces jeunes à qui la France ne promettait rien – tant au niveau spirituel que politique. Alors oui, dans plusieurs quartiers, l’islam est un moyen d’affirmation identitaire pour rejeter la culture française et affirmer sa différence.

Vous avez des convictions politiques assez engagées. Celles-ci n’entrent-elles pas parfois en contradiction avec vos convictions religieuses? Malgré votre «histoire d’amour avec le pape», vous arrive-t-il d’être agacé par ses positions, sur l’immigration ou l’islam notamment?

Cette question m’invite à poursuivre ma réponse précédente: catholique, je ne peux pas condamner autrui et encore moins lui jeter l’anathème. Si je considère qu’un musulman se retranche dans une culture qui est aux antipodes de la mienne, je ne peux me résoudre à l’enfermer dans un paradigme. J’ai lu le Coran – deux fois – et comme je le reconnais dans mon livre, plusieurs passages m’ont horrifié. Mais, comme le dit souvent le pape François, derrière un catholique, un musulman, un bouddhiste ou un athée, j’essaie de voir un homme avant tout. Je crois, comme Paul Rigueur, en «l’homme capable» du bien, ce qui est une philosophie on ne peut plus chrétienne. Lorsque le pape François a condamné à la fois les violences au nom de l’islam et au nom du catholicisme à la suite du massacre du père Hamel, j’ai été décontenancé. Pourquoi le nier? Mais il a appelé à la paix. Soyons plus grands que ces lâches. Si nous condamnons une partie de l’islam en raison de ses appels à la violence, nous ne pouvons regretter que le pape récuse toute logique de représailles.

(…)

Le Figaro

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