Il y vingt ans, Saloth Sâr, plus connu sous le pseudonyme de Pol Pot, mourait, un an après avoir perdu le pouvoir. Il est responsable de la mort de 1,7 millions de Cambodgiens, soit un cinquième de la population du pays à cette époque.
Pol Pot est né le 19 mai 1928 dans une famille paysanne aisée de la province de Kampong Thom. Plutôt timide, il est un adolescent populaire et rieur, « un bouddhiste qui n’aimait pas la bagarre», selon son frère Saloth Neap dans un entretien donné au Figaro, en 1999, « l’intellectuel de la famille. » Après un court passage à la capitale Phnom Penh, Saloth Sâr reçoit une bourse d’études qui l’autorise à se rendre en France ; il s’inscrit à l’École française de radioélectricité. Élève médiocre, il échoue à décrocher le diplôme.
Toujours selon son frère, c’est en France « qu’il a changé » : devenu anticolonialiste, il fréquente désormais les cercles communistes, y côtoie ses futurs camarades de lutte. Lorsqu’en 1954, les Français se retirent d’Indochine, le roi Norodom Sihanouk est nommé à la tête de l’État ; Pol Pot entre au Parti Révolutionnaire du peuple khmer, futur organe politique des khmers rouges. À partir de 1962, la direction du parti passe sous le contrôle des ex-étudiants communistes parisiens ; Pol Pot est nommé secrétaire général du comité central du parti.
Il prend le pouvoir en 1975, après le coup d’état manqué de Lon Nol en 1970 et une guerre civile meurtrière. Rapidement, les Khmers rouges imposent un régime totalitaire : tout individu lié de près ou de loin au gouvernement précédent de Lon Nol ou ayant un lien quelconque avec les Vietnamiens est éliminé ; la capitale est par ailleurs vidée en quelques jours de ses deux millions d’habitants sous le prétexte de l’imminence d’une attaque américaine. Les citadins sont forcés à aller travailler dans les campagnes, tout ce qui peut rappeler la modernité ou l’Occident est méthodiquement détruit : la cathédrale catholique de Phnom Penh, la Banque nationale du Cambodge… Le simple fait de porter des lunettes est considéré comme le signe d’une contamination occidentale. Pol Pot instaure une société pleinement communiste : la famille, la religion ou la propriété privée sont abolies.
De nombreuses prisons d’État sont fondées dans tout le pays, dont la tristement célèbre S-21 par laquelle passeront 20.000 détenus (dont de nombreux enfants) : seuls sept d’entre eux survivront. Enchaînés entre eux par dizaine, les détenus sont torturés plusieurs fois par jour, avant d’être « détruit » dans des « camps de la mort », selon la terminologie même du régime, où ils sont battus à mort et jeté, parfois encore vivants dans des fosses communes. Ceux qui ne sont pas persécutés doivent enfin faire face à la famine qui s’est installée dans le pays.
1,7 millions de cambodgiens seront victimes de ce génocide. En 1997, Pol Pot affirmait cependant : « J’ai la conscience tranquille. »
Fin 1978, le Vietnam répond à des menaces à ses frontières et envahit le Cambodge pour renverser le régime de Pol Pot. En à peine deux mois, les Vietnamiens remportent la victoire et un nouveau gouvernement, formé d’anciens Khmers rouges opposés à Pol Pot mais ayant échappé aux incessantes purges est formé. Le dictateur s’enfuit dans la jungle d’où il mène la guérilla contre le nouveau régime. En 1986, il est père de son unique enfant, fille d’une paysanne de vingt-deux ans (Pol Pot en a environ soixante), Sar Patchata. Il est finalement arrêté en 1997 par ses propres troupes pour l’assassinat de Son Sen, un ancien dignitaire Khmer rouge que Pol Pot soupçonnait de vouloir négocier sa reddition.
Il est condamné à la perpétuité et meurt le 15 avril 1998, officiellement d’une crise cardiaque, peut-être d’un suicide, selon l’historien Jean-Louis Margolin. Il est rapidement incinéré, si bien que son corps n’a pas été autopsié.
Durant les quatre années de son régime, Pol Pot recevra le soutien constant de l’élite intellectuelle acquise aux idées communistes, ainsi que du PCF, alors dirigé par Georges Marchais. La presse socialo-communiste (L’Humanité, Libération, mais aussi le Monde jusque 1976) n’hésitera pas à célébrer le régime communiste dernier-né. Même après la chute du régime, certains communistes continueront à le soutenir (jusque 1980 pour le PCF), tels le philosophe Alain Badiou, Noam Chomsky qui chercha à minimiser voire nier les crimes commis (les morts auraient été dus à l’impérialisme), le militant anticolonialiste Serge Thion, etc.
Sources : Livre Noir du Communisme, le Figaro, Wikipédia, L’Express, « Les Massacres de masse perpétrés par les Khmers Rouges entre 1975 et 1979 et leur couverture médiatique en France. »