La ministre de l’Intérieur, sur la sellette après la gestion calamiteuse des immigrés de la génération Windrush, a finalement démissionné dimanche soir.[…]
Amber Rudd était accusée d’avoir sous-estimé le fiasco de la génération Windrush. Ces immigrés, environ 550 000, sont arrivés légalement entre 1948 et 1973 des Antilles britanniques, en majorité de la Jamaïque, à la demande du Royaume-Uni, pour participer au développement du pays après-guerre. Or le Guardian avait révélé l’existence de dizaines de cas de personnes incapables de fournir la preuve de leur citoyenneté britannique – la carte d’identité ou le passeport ne sont pas obligatoires au Royaume-Uni – et menacées d’expulsion par le Home office.[…]
La vengeance n’a pas tardé, sous la forme de la fuite d’un mémo de seize pages, dans lequel des objectifs précis d’expulsion d’immigrés avaient été chiffrés. Ce document, envoyé à son adresse email en juin 2017 parlait d’«objectifs à atteindre : 12 800 expulsions forcées en 2017-2018». Or, Amber Rudd avait d’abord affirmé devant un comité parlementaire que de tels objectifs n’existaient pas. Puis qu’elle n’avait pas pris connaissance du mémo, qui lui était pourtant directement adressé. Dimanche en fin d’après-midi, après une journée où des membres du gouvernement s’étaient succédés pour tenter de la défendre, le Guardian a publié une nouvelle fuite, celle d’un courrier d’Amber Rudd envoyé à Theresa May dans lequel elle parlait d’un objectif de réduction de 10% de l’immigration illégale. Il devenait alors difficile pour elle de nier avoir eu connaissance d’objectifs chiffrés.
«Les conservateurs ont tenté de donner l’impression qu’il s’agissait d’une anomalie, d’une série d’erreurs accidentelles. Mais les Britanniques savent que c’est un mensonge. Nous savons qu’en réalité, il s’agissait de créer délibérément un “climat hostile” pour les immigrés. Nous le savons parce qu’ils s’en sont vantés à plusieurs reprises au cours des années», avait estimé dimanche dans la journée Sadiq Khan, le maire travailliste de Londres. Ce “climat hostile” a été mis en place sous l’œil de Theresa May, qui a précédé Amber Rudd à l’Intérieur. En 2013, elle avait approuvé un test, vite abandonné. Deux camionnettes blanches avaient sillonné quelques semaines certains quartiers, affichant des pancartes clamant : «Au Royaume-Uni illégalement ? Rentrez chez vous ou vous risquez une arrestation !»
En novembre 2016, Amber Rudd avait prononcé un discours au congrès annuel du parti conservateur qui avait marqué les esprits. Elle y proposait d’obliger les entreprises à lister leurs employés internationaux. Face aux réactions indignées, notamment des chefs d’entreprises, elle n’avait pas donné suite. Ce discours intervenait cinq mois après le référendum en faveur du Brexit. Au cours du même congrès, la Première ministre Theresa May avait aussi prononcé des mots perçus comme xénophobes et notamment anti-européens. «Si vous croyez que vous êtes citoyen du monde, vous n’êtes en fait citoyen de nulle part», avait-elle dit. La démission d’Amber Rudd, 54 ans, place désormais Theresa May en première ligne face aux conséquences de ce «climat hostile» qu’elle a souvent justifié par la nécessité de lutter contre l’immigration illégale, dont l’ampleur n’est pas chiffrée.[…]