Ce soir, France O rediffuse le documentaire “Les routes de l’esclavage”, diffusé … hier sur Arte

Arte | Les routes de l’esclavage | 1-05-2018 | Rediffusé ce soir sur France O

Premier volet : de la chute de Rome en 476 à la fin du XIVe siècle. Après la chute de Rome en 476, les peuples (Wisigoths, Ostrogoths, Berbères, Slaves, Byzantins, Nubiens et Arabes) se disputent les ruines de l’Empire. Tous pratiquent l’asservissement – “esclave” viendrait du mot “slave”. Mais au VIIe siècle émerge un Empire arabe. Au rythme de ses conquêtes se tisse, entre l’Afrique et le Moyen-Orient, un immense réseau de traite d’esclaves, dont la demande ne cesse de croître et qui converge vers Bagdad, nouveau centre du monde.

Deuxième volet : 1375-1620. À l’issue des Croisades, l’Europe à son tour se tourne vers l’Afrique, source d’immenses richesses..
Troisième volet : de 1620 à 1789, de la guerre du sucre aux premières voix qui s’élèvent contre la barbarie de la traite.
Le quatrième volet débute en 1789. À Londres, Paris et Washington, le courant abolitionniste gagne du terrain…

Un article du Point se permet de souligner quelques impasses sur la douloureuse question de la traite négrière, à commencer par “la ligne de départ chronologique quelque peu arbitraire”:

La série documentaire d’Arte Les Routes de l’esclavage (4 films de 52 minutes) a plusieurs vertus. La première est son ampleur chronologique. Exploitant enfin les travaux de nombreux historiens, surtout des Anglo-Saxons, quelques Français (à l’exception notable de l’un des pionniers, Olivier Pétré-Grenouilleau) et Portugais, voilà enfin un documentaire qui couvre l’esclavage sur quinze siècles, tout en mettant l’accent sur la logique économique du processus – Le Point

Pour rappel, l’historien français de l’esclavage, Olivier Pétré-Grenouilleau, estime à plus de 17 millions le nombre d’êtres humains déportés par les négriers musulmans entre 650 et 1920 . Vous évoquez, en passant, les Noirs déportés à travers le Sahara – Pétré-Grenouilleau, à la suite d’historiens américains (voir ci-dessous), estime leur nombre à 7 400 000 personnes. Mais il ne faut pas oublier les 8 millions d’esclaves africains déportés par la mer Rouge et l’océan indien durant treize siècles. Or, cet esclavage-là ne doit rien aux puissances européennes. Celles-ci l’ont même combattu, à partir de la deuxième moitié du XIX° siècle.

Nous compléterons avec beaucoup de modestie les lacunes ou approximations relevées par Le Point :

• • • • Quid de la piraterie barbaresque ? Robert C. Davis, l’auteur de Christian Slaves, Muslim Masters, a essayé de chiffrer le nombre des victimes européennes de la piraterie barbaresque. Il conclut : « Entre 1530 et 1780, il y eut presque certainement un million et peut-être bien jusqu’à un million et un quart de chrétiens européens blancs asservis par les musulmans de la côte barbaresque »
      • L’extinction ethnique, des africains razziés par les arabo-musulmans, par castration si bien décrite par l’anthropologue Tidiane N’Diaye n’est pas abordée non plus :
      • Même si évoquée par un témoignage poignant d’un descendant direct d’esclavagiste africain, la traite intra-africaine estimée à 14 millions par Pétré-Grenouilleau n’est guère palpable dans ce documentaire fleuve

    « Ils étaient des Noirs et étaient propriétaires d’esclaves. » Pour Izequiel Batista De Sousa, au XVIème siècle l’esclavage n’est pas une histoire raciale, c’est une histoire d’économie. #LesRoutesDeLEsclavage pic.twitter.com/eQCREUJAie

    — ARTE (@ARTEfr) 1 mai 2018

On déplorera enfin l’absence de mise en perspective temporelle, corrélée avec des ordres de grandeurs chiffrés :

Ainsi, le 1er volet (476 jusqu’au XIVe s.) s’attache principalement à décrire la traite arabo musulmane; or si celle-ci ne commence qu’au VIIe siècle, elle ne s’achèvera qu’en 1920; un biais qui permet au documentaire de réduire drastiquement la responsabilité des musulmans dans cette tragédie humaine :

3 500 000 Africains ont circulé sur #LesRoutesDeLEsclavage entre le vii^e et le xiv^e siècle. pic.twitter.com/SdlWubj6KT

— ARTE (@ARTEfr) 1 mai 2018

Dans le même temps, les 3 autres volets de 52 minutes sont exclusivement consacrés à la traite africaine par les européens blancs : elle débute au  milieu du xv^e siècle avec les Portugais, pour s’achever au xix^e avec une traque sans merci des bateaux négriers au large des côtes africaines. Un documentaire intéressant, à compléter, et à mettre à tout prix en perspective.

Pour aller plus loin, les travaux de Jacques Heers et Charles Verlinden nous renseignent sur les routes de l’esclavage pour l’approvisionnement en esclaves européens :