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Le Nouvel Obs a reçu le témoignage de Lucette Sienne qui a été institutrice toute sa carrière dans la même école primaire du Val d’Oise. Elle a donc “bien connu” l’apartheid scolaire – entre riches et pauvres, entre noirs et blancs – qui sévit à Paris et dans sa banlieue.

[…] Cette histoire, en l’occurrence, commence par une douce pastorale. On est à Argenteuil (Mme Sienne ne le dit pas, mais on le devine) au début des années 60, avant que l’architecte Roland Dubrulle rase vergers et pavillons Sam-suffit pour édifier la dalle du Val d’argent – l’une des plus grandes de France. Mme Sienne est manifestement TRES nostalgique de cette époque bénie des dieux.

Quand j’ai débarqué dans cette école de banlieue qui sortait de terre et dans laquelle j’allais passer trente-six ans, je me suis réjouie. Tout autour, des champs avec des vaches, des chèvres, des cerisiers, des pommiers, de la verdure. J’avais un CP de 40 élèves (plus facile à mener qu’un à 25 des années plus tard). Aux beaux jours avec la permission des propriétaires, j’amenais les enfants se détendre après 15h dans un de ces prés. On y lisait des histoires, on dessinait, on peignait. La chouette école !

La suite est moins réjouissante : “Puis ce petit coin de campagne a cédé la place à la ZUP : du béton partout, plus de pavillons ni de jardins, mais des tours de vingt étages et, pour terrain de jeu, la dalle ! La population scolaire a changé ; avec les Jean, Pierre, Nicolas, Antoine, Aurélie, Sylvie… nous avons eu des Kamel, Youssef, Djamel, Fatima, Karima, Hassiba. Petit à petit nos petits ‘Français’ sont partis, les uns chez les curés, dans le privé, les autres dans le public car les parents s’étaient trouvé une mamie, un tonton, une tata habitant une banlieue plus chic : Enghien, Taverny, Saint-Leu… Une année exceptionnelle – tous les enfants étaient très bons – dix parents sont venus m’annoncer en juin (à la fin de leur CP, ndlr.) qu’ils retiraient leurs enfants de l’école. […]

Le séparatisme social est encore plus poussé en banlieue qu’à Paris. Pour la bonne et simple raison que les classes moyennes et supérieures y sont très minoritaires. La plupart des parents CSP+ qui y résident – souvent des bobos de gauche chassés de la capitale par la flambée des prix immobiliers – oublient leurs beaux principes devant l’absence de mixité prévalant dans leur établissement de secteur et se voient contraints de déménager ou d’inscrire leurs enfants dans le privé… à l’insu de leur plein gré. […]

Nouvel Obs

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