En Europe, l’un des facteurs significatifs, voire essentiels, de la radicalisation djihadiste est la ville. Pas n’importe quelle ville. On peut parler en l’occurrence de l’urbain « djihadogène », qui engendre le djihadisme. L’avant-dernier cas d’attaque au nom du djihad, celui de Radouane Lakdim, l’auteur des attentats de Carcassonne et de Trèbes, le 23 mars, pointe son origine vers la cité Ozanam de Carcassonne. Quant à Khamzat Azimov, un Tchétchène de 20 ans, naturalisé français en 2010, qui a poignardé cinq personnes à Paris samedi 12 mai, il a grandi dans le quartier populaire d’Elsau.
Cependant, dans la quasi-totalité des pays européens, il existe des quartiers où le nombre de départs de jeunes vers la Syrie (exo-djihadistes) ainsi que celui des adeptes du djihadisme intérieur (endo-djihadistes) sont beaucoup plus élevés que la moyenne nationale. Le procès des survivants d’une vingtaine de jeunes de Lunel (Hérault) ayant rejoint la Syrie entre 2013 et 2015 est un cas dont on voit la reproduction dans d’autres pays européens, sous des formes plus ou moins similaires. A Lunel, c’est la cité HLM d’Abrivados qui a vu une partie significative des jeunes se laisser endoctriner par la « guerre sainte » dans sa version extrémiste.
La concentration djihadiste dans certains quartiers peut être due à deux types d’effets distincts. D’une part, parce qu’au sein de ces quartiers, les jeunes ont pu se connaître par des réseaux formels ou informels, des amis ou des membres de la même famille avec leurs embranchements et leur extension ; le quartier peut être de classes moyennes, sans signe apparent d’indigence pour les candidats à la guerre sainte ; ce type de quartier, ainsi que les vocations des classes moyennes, sont largement minoritaires en Europe. […]