Hugo Micheron, chercheur à l’ENS et spécialiste du djihadisme, met en garde contre les analyses trop dogmatiques de la radicalisation.
Il en va des théories sur la radicalisation comme des modes, à chaque saison sa nouvelle collection. Au lendemain de l’attentat au couteau qui a fait un mort dans le quartier de l’Opéra à Paris samedi 12 mai, certains défendent l’idée que les terroristes seraient influencés par un environnement urbain « djihadogène », d’autres présentent les soldats autoproclamés de Daech comme des « déséquilibrés » ou de simples « loups solitaires »…
Si toutes ces lectures ne sont pas fausses et incompatibles entre elles (les terroristes parfaitement équilibrés sont assez rares), elles ne suffisent pas à expliquer les phénomènes de passage à l’acte chez les jeunes radicaux, souvent inspirés par un islam rigoriste dont l’implantation progresse en France. […]
L’approche socio-économique est trop limitée ?
Oui. On ne peut pas mettre de signe égal entre discrimination et djihad, c’est un discours dangereux ! C’est très narcissique de croire que le problème est lié aux spécificités françaises comme la laïcité ou une certaine forme d’urbanisme. Certains croient que la laïcité serait le problème. Dans ce cas, comment expliquer qu’il y ait eu 100 départs de Molenbeek qui, je le rappelle, se trouve en Belgique où la laïcité n’est pas le principe régulateur ? À l’inverse, regardez Marseille, il n’y a eu aucun départ des quartiers nord, qui sont pourtant très ségrégés économiquement – ce qui ne veut pas dire que la situation n’est pas préoccupante sur place non plus. Cette explication est insatisfaisante, car elle n’explique rien. […]
Donc si on vous suit, le djihadisme prospère effectivement sur un terreau social, mais il ne peut exis
ter sans un prosélytisme et des réseaux structurés ?
Cette forme d’activisme djhadisant existe depuis une dizaine d’années. […]