L’activisme des militants et militantes progressistes sur les réseaux sociaux est accusé d’encourager la montée de la droite radicale.
Pourquoi assiste-t-on à la montée, sinon en nombre, du moins en influence culturelle et politique, d’une nouvelle droite en guerre contre le politiquement correct?
Le 8 mai, l’écrivain et journaliste du New York Times Bari Weiss faisait l’apologie d’une poignée de personnalités formant un «Intellectual Dark Web», qu’elle décrivait avec grandiloquence comme «une alliance d’hérétiques» qui se sent opposée à –et attaquée par– une gauche de plus en plus hostile.
Parmi ces «libres penseurs», Jordan Peterson, phénomène YouTube et professeur de psychologie qui considère que l’idée de privilège blanc est «absolument répréhensible» et professe que les féministes ont «un désir inconscient de domination masculine brutale». Christina Hoff Sommers, qui compte également parmi les apostats politiques dont parle Weiss, se plaint quant à elle que les féministes ont fait de la période actuelle «un sale temps pour être un garçon en Amérique». Comment ces gens en sont-ils arrivés là? (…)
C’est décevant de voir une progressiste comme Goldberg conseiller à des gens faisant partie des groupes de population ayant le moins de pouvoir de s’exprimer le moins possible. Pire, elle avertit la gauche qu’elle pourrait être responsable du comportement de la droite, comme si on n’entendait pas tous les jours des bourreaux blâmer leurs victimes, comme si c’était la cacophonie des idées progressistes qui poussait certaines personnes à adopter la haine ou le racisme et non pas les idées et les préjugés qu’elles portaient déjà en elles.
Je ne sais pas comment persuader des membres de l’alt-right que leur frisson de transgression idéologique est fondé sur des notions poussiéreuses de hiérarchie et de répression, ou que ce sont des choses dont il faut se tenir éloigné plutôt que de s’y attacher. J’ai tendance à penser que la façon dont elles et ils valorisent les inégalités sociales est une question de condition humaine autant qu’un problème politique. Mais ménager les préjugés des internautes conservatrices et conservateurs, et donc nous priver de notre moyen d’expression ainsi que des interactions sociales et de la catharsis émotionnelle qui va avec, n’est pas non plus la solution.
C’est un renversement cruel que de voir que le fait que des progressistes longtemps mis et mises à l’écart trouvent enfin des plateformes leur permettant de pointer du doigt les nombreuses injustices socio-économiques aient mené nombre de groupes faisant traditionnellement partie des rangs conservateurs –des hommes blancs, hétérosexuels, chrétiens évangéliques– à croire que ce sont eux les vraies victimes et les sans-voix. Mais suggérer que les groupes historiquement désavantagés devraient s’exprimer moins ne mènera jamais la droite radicale à plus de compréhension. Cela ne fera que les aider à atteindre leur but.