Sept ans de guerre et de déplacements massifs ont redessiné la carte démographique en Syrie, érigeant des frontières entre les communautés ethniques, religieuses et politiques du pays qui seront difficiles à abolir.
Dans cette nouvelle Syrie, les opposants au régime ont été chassés de nombreuses régions, les minorités sont davantage fédérées et les communautés géographiquement plus homogènes, décrivent à l’AFP déplacés, analystes et défenseurs des droits humains.
Avec environ 11 millions de Syriens réfugiés à l’étranger ou déplacés à l’intérieur du pays et sans perspective claire de retour dans leur foyer d’avant-guerre, le remaniement démographique risque de perdurer, soulignent-ils.[…]
«La structure démographique a changé sans même que nous le remarquions: le pays a été divisé», déplore Abou Moussab.
«Le Nord est sunnite, le Nord-Est kurde et les alaouites et les chiites sont essentiellement concentrés à Lattaquié, Tartous et Homs», poursuit-il.
Pour Fabrice Balanche, universitaire expert du conflit syrien, «il y a clairement une stratégie d’éviction des opposants politiques»[…]
Si le régime a perdu du terrain, le soutien des alaouites, des chiites et des chrétiens lui a permis de jouir d’une assise populaire plus solide, explique M. Balanche.
«Aujourd’hui, 70% de la population syrienne vit dans des zones contrôlées par le régime, dont plus d’un tiers est issue des minorités”, précise-t-il.
Certains des changements démographiques ont eu lieu via des accords politiques entre régime et rebelles.[…]
Dans le nord-ouest, une offensive menée par la Turquie début janvier a chamboulé les frontières ethno-démographiques: 137.000 habitants de l’enclave d’Afrine, à majorité kurde, ont fui vers des zones contrôlées par le régime ou l’administration autonome kurde dans le nord-est.
Certaines de leurs maisons accueillent désormais d’autres déplacés, notamment depuis qu’environ 35.000 habitants de l’ex-bastion rebelle dans la Ghouta orientale, près de Damas, se sont installés à Afrine.
Les Kurdes accusent la Turquie de vouloir changer la composition ethnique. Des analystes affirment qu’Ankara cherche à réinstaller dans la zone sous son contrôle les 3,5 millions de réfugiés syriens vivant en Turquie.
L’opposition syrienne accuse elle les Kurdes d’avoir expulsé les Arabes des villes sous leur domination.
En l’absence de justice transitionnelle et de mea culpa, de part et d’autre, la situation risque de s’aggraver, met en garde Diana Semaan de l’ONG Amnesty International: “Les communautés se recroquevilleront davantage sur elles-mêmes”.