Fernand Melgar, Cinéaste
Il y a dix ans, Gabriel succombait à une overdose. C’était le fils cadet de mes voisins, il avait 18 ans. Il essayait de s’en sortir et était «clean» depuis trois mois. Mais ce jour-là, il a suffi d’une ligne de cocaïne en souvenir des beaux jours. Ses parents et son frère l’ont retrouvé mort dans sa chambre, la famille était brisée à jamais. Quatre ans qu’il était accro et il avait réussi à cacher ça à ses proches.
C’était un chouette gars, toujours prêt à rendre service. Il avait fréquenté l’école Saint-Roch, comme mes enfants. Au début, c’était juste pour essayer, pour rigoler avec ses camarades. Et ce n’était pas compliqué, les dealers étaient postés à la sortie de l’école. Pendant la récréation, des élèves se cotisaient pour une boulette de coke à 20 francs qu’ils fumaient en douce.
Dix ans plus tard, les dealers sont toujours dans le quartier du Maupas et on peut en compter jusqu’à une cinquantaine sur un rayon de 100 m. Rien n’a changé sauf le prix: 10 francs la boulette. À pied d’œuvre dès le matin, ils abordent des adolescents qui vont à l’école. Le municipal de Police Pierre-Antoine Hildbrand a rencontré les habitants du quartier en colère d’une telle situation. Non, «à Lausanne, la consommation de drogue est équivalente aux autres grandes villes de Suisse, argumente-t-il pour calmer la grogne. Les dealers sont désormais souvent titulaires de titres de séjour européens, une interpellation ne peut se faire qu’en présence d’un acheteur et d’un vendeur…» Autrement dit, il n’y a pas de quoi s’inquiéter, Lausanne n’est pas pire que Zurich ou Genève. Le titre de séjour européen est un laissez-passer pour vendre de la drogue? Même l’UDC n’avait osé un tel argument. Et pour le flagrant délit, il ne se passe pas une minute sans que de l’argent ne s’échange contre des petits sachets au vu de tous. Mais que fait la police? Après la stratégie du fourgon de police vide laissé en évidence à Chauderon pour effrayer les trafiquants (j’en ai même vu un se prendre en photo devant!), une patrouille passe de temps à autre. Des guetteurs sonnent alors l’alarme par SMS. Envolés en quelques secondes, les dealers reviennent, goguenards, récupérer leur canette de bière après le passage des pandores. Et même s’ils sont arrêtés, ils sont à nouveau là le lendemain.
Après des efforts improductifs, la Municipalité semble avoir déclaré forfait. Par l’impunité d’une poignée de délinquants venus d’Afrique de l’Ouest, c’est un tort immense fait à toute la communauté africaine bien intégrée et à ceux qui fuient les persécutions pour trouver refuge dans notre pays.
Des familles quittent avec raison mon quartier de peur que leur enfant soit piégé comme Gabriel dans l’enfer de la drogue. Ou que des mineures échangent des faveurs sexuelles contre une dose. C’est intolérable que le crime organisé ait pignon sur ma rue. Pour chaque adolescent mort d’overdose, la Municipalité de Lausanne ne devrait-elle pas être poursuivie pour homicide par négligence?
Après des efforts improductifs, la Municipalité semble avoir déclaré forfait.