C’est une affaire pas banale qui illustre parfaitement les circuits du blanchiment de l’argent issu du trafic international de drogue. Et les profits colossaux qui en découlent. Après dix-huit mois d’investigations, les enquêteurs de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) viennent de mettre un terme aux juteux arrangements entre trafiquants de drogue et grossistes en textile, implantés dans une zone commerciale à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).
Selon nos informations, cinq suspects, de nationalité chinoise, ont été interpellés le 15 mai avant d’être placés en garde à vue dans les locaux de l’OCRGDF à Nanterre (Hauts-de-Seine) et mis en examen. Ils sont soupçonnés d’avoir vendu d’importantes quantités de textile à un ressortissant marocain. Ce dernier, banquier occulte dans le système de blanchiment de l’argent issu du trafic de drogue, investissait ainsi les sommes collectées auprès des trafiquants. « Ce banquier ou agent de change, appelé sarrâf en arabe, reçoit, via des collecteurs, l’argent provenant du trafic avant de le créditer sur les comptes des narco-trafiquants à l’étranger, confie une source proche de l’affaire. Il prend, au passage, une commission oscillant entre 0,5 et 3 % du montant de la somme reçue. C’est un système de compensation connu sous le nom d’hawala, qui remonte au Moyen Âge. Il évite tout passage par le réseau bancaire traditionnel et échappe ainsi à tout contrôle. »
12 millions d’euros blanchis en cinq mois
Dans leur dossier, baptisé Babel, les policiers de l’OCRGDF sont parvenus à interpeller le sarrâf marocain venu, au mois de mai 2017, rendre visite à ses fournisseurs à Aubervilliers. Toujours selon nos informations, c’est la première fois qu’un banquier occulte, qui réside habituellement à l’étranger, est interpellé en France. Son bras droit, chargé de superviser la collecte de l’argent et l’achat du textile en gros, a également été interpellé à ses côtés. Au cours de cette première vague d’interpellations, huit autres suspects avaient été arrêtés. Des compteuses à billets et plusieurs voitures équipées de caches aménagées pour transporter plus discrètement l’argent collecté auprès des dealers avaient été saisies. Une arme de poing, près de 200 000 euros en argent liquide et quelques kilos de résine de cannabis avaient également été récupérés par les policiers.