La porte-parole du Bureau du Haut-commissaire des droits de l’Homme des Nations-Unies a publiquement demandé à l’Algérie de « cesser les expulsions collectives » de migrants subsahariens par les autorités tout en dénonçant « les conditions de détention (…) inhumaines et dégradantes » dont seraient détenus certains migrants à Tamanrasset où ils étaient acheminés ».
Un commentaire ?
Hassina Oussedik, directrice Amnesty International Algérie : Amnesty International reconnaît le pouvoir souverain des États de réglementer l’entrée et le séjour sur leurs territoires. Cependant, les politiques migratoires et les mesures de contrôle aux frontières doivent être conformes au droit international relatif aux droits humains et aux dispositifs de protection des réfugiés.[…]
Les services du Haut-Commissaire des droits de l’Homme redoute, aussi, que cette campagne d’expulsions ne favorise une montée du racisme et de la xénophobie à l’encontre des Africains subsahariens. Vous qui êtes sur le terrain, avez-vous constaté des comportements anti-migrants ?
Devenir migrant ou réfugié n’est pas un projet de vie. Chaque jour, dans le monde, des personnes prennent la décision la plus difficile de leur existence : partir de chez elle dans l’espoir de trouver une vie meilleure et plus sûre pour de multiples raisons : guerre, violence, discrimination ou pauvreté. Leur voyage est plein de dangers et de peur. Un grand nombre d’entre elles sont victimes de réseaux de traite d’êtres humains et d’exploitation. C’est ce message que les autorités doivent faire passer pour lutter contre les discours ou les actes racistes à l’encontre des Africains subsahariens. Et ce d’autant plus, que ces flux migratoires sont appelés à s’amplifier dans les années à venir.
Actuellement, cette question fait débat au sein de la société. Nous avons noté des propos et même des appels à des actes xénophobes sur les réseaux sociaux mais aussi des actions de solidarité envers les africains subsahariens […]
Alger évoque des raisons de sécurité et la « souveraineté nationale » pour justifier les expulsions de migrants. Trouvez-vous ces arguments convaincants ? Les migrants sont-ils vraiment une menace ?
[…] La réalité et la complexité des situations exigent des réponses adaptées à la variété des situations. Par exemple, un grand nombre d’ouvriers sur les chantiers privés ou publics viennent d’Afrique Subsaharienne, ce qui démontre donc, que nous avons besoin d’eux. Ces travailleurs devraient pouvoir bénéficier d’une régularisation et d’un permis de travail. En 2017, le ministre de l’intérieur avait déclaré qu’un fichier national de recensement du nombre de migrants africains était en cours de préparation afin de statuer sur leur situation juridique. Depuis, nous n’avons eu aucune information sur l’état d’avancement de ce fichier.Dans son rapport annuel publié fin février 2018, Amnesty a présenté l’Algérie comme un pays peu accueillant pour les réfugiés et les migrants. Ce n’est pas trop sévère ?
Malheureusement, l’Algérie est loin d’être accueillante pour les réfugiés et les migrants. Verrouiller les frontières n’est pas la bonne solution.[…]
Combien de migrants subsahariens y a-t-il exactement en Algérie ?
Il est difficile d’avoir un chiffre exact. Récemment, le ministre de l’intérieur avait déclaré que 27000 migrants ont été expulsés dans leurs pays durant les trois dernières années.