Tribune de Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS, sur la naissance d’enfants de clandestins à Mayotte et le droit du sol.
Depuis plusieurs années un délire inquiétant fait office de diagnostic quand on parle de Mayotte. Longtemps, il fut circonscrit aux responsables mahorais, et aux dirigeants nationaux qui se rendent dans ce département en temps de campagne électorale. Le problème posé par ces milliers de femmes qui viennent accoucher en provenance des Comores, c’est « le droit du sol », assurent-ils.
Fait exceptionnel, le Conseil d’Etat a été consulté par le Sénat. Et il a confirmé ce diagnostic. Fort de cet imprimatur, pour la première fois depuis la fin de la colonisation, le Parlement et le gouvernement s’apprêtent à créer — par un amendement au projet de loi Collomb sur l’asile et l’immigration — deux catégories de Français. Sauf que le Conseil d’Etat a tort dans son expression mais surtout dans son raisonnement. […]
En France le terme « droit du sol » relève du slogan politique plus que du droit. […] Les enfants nés à Mayotte de mères comoriennes ne sont donc pas français, ils sont comoriens. Si pendant treize ans, ces enfants ne sont pas reconduits avec leurs parents dans leur pays de nationalité, il est alors normal que, grandis et éduqués en France, ils puissent devenir français. C’est ainsi que cela se passe dans toutes les grandes démocraties. […]