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Le Conseil européen consacré à la question migratoire qui s’ouvre ce jeudi est un sommet à haut risque.

La marée noire du populisme.

Le sommet de l’Union européenne qui s’ouvre ce jeudi est assurément l’un des plus périlleux et des plus angoissants que l’on ait connus depuis l’entrée en vigueur, en 1958, des traités de Rome. Certes, l’Europe a rencontré bien des obstacles en soixante ans : crises politiques avec le général de Gaulle ou Margaret Thatcher, crises monétaires et financières à répétition, échec du traité constitutionnel en 2005, Brexit, mais cette fois-ci, il s’agit d’une crise de la démocratie européenne, donc d’une crise d’identité. La question de l’immigration déchire l’Union européenne comme jamais. Ce qui se dessine est le risque d’une déconstruction de l’Europe, submergée non pas par les demandeurs d’asile mais par la marée noire du populisme qui s’épanouit essaime et triomphe dans les milieux populaires à travers toute l’Union. La pression migratoire et le chômage constituent au sein des vingt-huit Etats membres le terreau d’un populisme qui n’a connu pareille expansion que dans les années 30. L’Europe est aujourd’hui l’otage d’un populisme se nourrissant du rejet de l’immigration. Ce populisme a incontestablement gagné la première manche.

Le phénomène a quelque chose de paradoxal. Dans les faits, la pression migratoire a considérablement diminué depuis le pic de 2015. L’accord avec la Turquie a largement fait refluer le flux de demandeurs d’asile et de migrants économiques qui passaient par la route des Balkans. Les subsides versés aux factions libyennes ont beaucoup allégé la pression migratoire qui pesait sur l’Italie. La situation se normalise. Par ailleurs, tous les gouvernements sans exception mènent une politique migratoire très restrictive. Certes, les uns le font ouvertement et d’autres discrètement. Quelques-uns l’affichent et s’en glorifient (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie), d’autres assurent poursuivre une politique équilibrée entre accueil humanitaire et fermeté nécessaire. En réalité, la fermeté, peu différente de la fermeture, l’emporte largement sur l’accueil. Depuis trente ans, la France constitue le symbole de cette asymétrie camouflée. Face au chômage et à la progression du populisme, tous les gouvernements se barricadent, publiquement ou en catimini. Tous veulent renforcer Frontex, identifier sévèrement les demandeurs d’asile et rejeter les migrants économiques, même lorsque ces Etats ont une démographie défaillante et un besoin de main-d’œuvre. Le maître mot de la politique migratoire s’appelle l’hypocrisie et la ligne générale implicite est celle du verrouillage. Les gouvernements européens ont peur de l’immigration parce qu’ils ont peur du populisme et ne savent pas comment l’arrêter. […]

Libération

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