Editorial de Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire catholique « La Vie ».
Les chiffres ne souffrent guère discussion. Il n’y a pas de crise migratoire en Europe, mais un retour à l’ordinaire. La pression n’a rien à voir avec celle qui s’exerçait au moment où Angela Merkel prit la décision d’accueillir plus de un million de personnes en Allemagne, lâchant son fameux : « Nous y arriverons. » En 2015, 1,8 million de personnes ont illégalement franchi les limites de l’espace Schengen, et encore 511.000 l’année suivante. On évoque environ 20.000 entrées illégales depuis le début de l’année. […]
Les craquelures et les failles sont devenues des gouffres si profonds qu’ils menacent d’engloutir l’insubmersible Merkel.
En France, en Allemagne, une coalition de circonstance unissant l’Église catholique, les ONG, les médias, les milieux économiques et culturels insiste sur l’universalisme et invoque encore l’humanitaire. Mais elle cède du terrain.
Partout des partis nationalistes en croissance ou de vieux partis conservateurs en perte de vitesse prétendent défendre le peuple trahi. Dans l’Obs, Marcel Gauchet estime que la question migratoire est devenue la nouvelle question sociale. D’où le déclin de la social-démocratie. En Allemagne, pour la première fois depuis la guerre, un parti d’extrême droite est présent au Bundestag et dicte l’agenda politique, menant la coalition au pouvoir au bord de l’implosion. À l’échelle de l’Europe, et jusqu’aux États-Unis, tout l’édifice démocratique vacille. […]
Plus aucune règle ne fait consensus, plus aucune coordination n’est acceptée, plus aucune solidarité n’est envisageable, et les camps fermés que l’on annonce dans le sud de l’Allemagne offrent une solution peu crédible. Cette Europe du chacun pour soi et chez soi validée par le dernier Conseil européen est-elle encore l’Europe ?