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A Zagreb, les supporteurs croates attendent la finale de la Coupe du monde face à la France avec un espoir teinté d’un sentiment identitaire.

Il ne fait pas tous les jours bon vivre dans le quartier de Zaprude, en périphérie de Zagreb. Les barres d’immeubles de huit étages bâties dans les années 1960 racontent une époque lointaine, un pays qui n’existe plus et un quotidien pas toujours facile. La Yougoslavie de Tito, son rêve socialiste et égalitaire ont laissé dans leur sillage des façades un peu décaties mais de jolis espaces verts. Mateo, 45 ans n’éprouve pas pour autant la moindre nostalgie pour l’utopie dont il habite des vestiges encore sur pied. (…) Son pays, c’est la Croatie de 2018 et la Croatie est en finale. Pour Mateo, ce n’est pas qu’une question de football, c’est une question de revanche.

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D’après Mateo, dans la capitale et dans tout le pays, le football a tout recouvert. Mais en Croatie le football – c’est un lieu commun – n’est pas qu’un sport. En témoigne la peinture murale qui recouvre le flanc de son ancienne école primaire. Quatre visages juvéniles peints au pochoir. Des gars du quartier. « Trois sont tombés au combat pendant la guerre d’indépendance, raconte Mateo. Le quatrième était un peu bohème. C’est le foie qui l’a tué. Mais il avait une belle âme, ça lui a valu sa place sur le mur. »

Tous étaient des ultras du Dinamo, le club de football de Zagreb dont les supporteurs les plus acharnés ont fourni les premières recrues aux forces croates au début des guerres de Yougoslavie. Avant la guerre, il y avait le football. Après la guerre, il reste le football.

Au début du conflit, Mateo, adolescent, était courrier dans une unité locale croate qui avait creusé des tranchées autour du quartier. Une base de l’armée yougoslave, à dominante serbe, était située à proximité. « Quand ils sont partis, ils ont pris toutes leurs armes, les salauds. » se remémore Matéo, désormais au volant de sa modeste Volkswagen. Un petit ballon au damier blanc et rouge pend au rétroviseur. Zagreb n’est plus une ville en guerre, mais les souvenirs sont vifs. A Zaprude, bien sûr, mais aussi dans les quartiers plus huppés du centre-ville où l’architecture n’a plus rien de collectiviste. L’urbanisme et l’architecture déploient tout le raffinement ravalé et le charme repeint de la Belle Epoque austro-hongroise.

A deux pas de la place centrale, (…) Slavitsa s’enthousiasme : « La ferveur qu’on ressent, la fierté d’être croate, notre cohésion, cela me rappelle 1998. » (…)

Slavitsa a quelque chose à ajouter : « La ferveur de 1998 [NdFdS : la Croatie avait accédé aux demi-finales en 1998], c’était déjà le prolongement de notre victoire, de notre indépendance. » Le football, le nationalisme, la guerre. Les fils invisibles qui relient ces univers pris à chaque fois comme un bloc tissent une mémoire, une identité et on ne fait pas le tri dans les gloires et les horreurs qui l’habitent. Entre les chapeaux à damier, les maillots de l’équipe nationale, les casquettes et les drapeaux en tout genre qu’on trouve en vente dans les rues et dans les boutiques à touristes, et qui arrivent à rupture de stock d’après Gabriella Taliareti, vendeuse de souvenirs établie près de la cathédrale, on trouve les traces d’une histoire un peu plus ancienne.

Certains des articles font référence au régime des Oustachis. Cet Etat d’inspiration fasciste allié à l’Allemagne nazie pendant la seconde guerre mondiale qui s’est rendu coupable des pires exactions contre les populations serbes et juives présentes sur son territoire ressurgit sous la forme d’un jeu de mot. « Soyez prêts ! » le slogan des Oustachis résonne dans le slogan « soyez fiers ! » dont sont frappés des tee-shirts aux coloris variés mis en vente pour la finale. Au-delà leurs rivalités parfois meurtrières, les ultras des grands clubs croates ne rechignent pas à s’approprier de la même manière croix gammées et autres symboles d’extrême droite à l’occasion des matchs du championnat national comme à l’étranger.

Fran, 18 ans, n’a que faire de ces breloques et des bagarres de supporteurs qui rythment la vie du football croate. Il ne supporte que l’équipe nationale. (…)

Le Monde

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