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Le chercheur Thibault Le Texier a enquêté, a fouillé les archives… et démontre que les conclusions de cette expérimentation si populaire étaient écrites à l’avance.

Depuis les années 70, c’est un grand classique de la psychologie sociale. Enfermez des étudiants «normaux» dans une fausse prison, séparez-les entre gardiens et détenus… et les premiers finiront immanquablement en bourreaux, humiliant les seconds. Très médiatisée, donnée en exemple dans les amphis des universités, reprises dans les manuels de développement personnel, l’expérience de Stanford, menée en 1971 par le professeur de psychologie Philip Zimbardo, démontrait de manière spectaculaire que tout homme, placé dans certaines situations, peut se transformer en monstre. Mondialement connue, l’expérience était pourtant un fake. C’est, en tout cas, ce que démontre Thibault Le Texier, chercheur en histoire de la pensée économique, qui vient de publier Histoire d’un mensonge (aux éditions La Découverte).

Qu’est-ce que «l’expérience de Stanford» ?

En août 1971, un professeur de psychologie de l’université de Stanford, Philip Zimbardo, a recruté une vingtaine d’étudiants pour participer à une «expérience sur les prisons». Il les a assignés, de manière aléatoire, aux rôles de gardiens ou de détenus. Il a donné aux premiers des costumes militaires et des lunettes de soleil, pour les «anonymiser». Il a demandé aux «prisonniers» de mettre des collants sur la tête pour mimer des crânes rasés, des chaînes aux pieds et des blouses sans sous-vêtements, un costume loufoque pour qu’ils se sentent émasculés, impuissants, expliquait-il. Les gardiens ne devaient jamais les appeler par leur nom mais par leur numéro de matricule. Puis il les a tous observés vivre au sein de sa fausse prison : trois bureaux transformés en cellules dans les sous-sols du département de psychologie. Philip Zimbardo, qui jouait le directeur de la prison, a dû interrompre l’expérience au bout de six jours, au lieu des deux semaines prévues. Plusieurs prisonniers étaient tombés en dépression nerveuse, et les gardiens s’étaient transformés en tortionnaires, humiliant les détenus, les réveillant en pleine nuit pour leur faire faire des pompes, frottant leurs couvertures sur des buissons épineux pour qu’ils aient à les éplucher pendant des heures, finissant même par leur demander de mimer des jeux sexuels. Les hypothèses de départ de Zimbardo étaient confirmées au-delà de ses espérances : l’enfermement, l’anonymat des bourreaux et la déshumanisation des victimes provoquent immanquablement la violence. Tout ça, en tout cas, c’est la version officielle.  (…)

Et pourtant, vous démontrez dans votre livre, que c’était un «fake» ?

Totalement. Un mensonge. Philip Zimbardo a toujours affirmé qu’il était à peine intervenu dans son déroulement. Dans une expérience scientifique réussie, le scientifique ne doit pas interférer sur les résultats, ni orienter le comportement des participants vers une conclusion pré-écrite… J’ai fouillé les archives de l’expérience, conservées à Stanford et rendues publiques en 2011 : une quinzaine de boîtes contenant les dossiers des candidats, les enregistrements audio et vidéo de l’expérience, les notes prises jour après jour par Zimbardo et ses assistants, les rapports des gardiens, les questionnaires remplis par tous le dernier jour de l’expérience. Or, contrairement à la version officielle, on voit Zimbardo intervenir en permanence. La veille du premier jour, il a réuni les gardiens pour leur donner un emploi du temps précis, prévoyant les réveils nocturnes des détenus. Il leur donne même des idées de punitions, comme les pompes ou les couvertures pleines d’épines. Il a toujours affirmé que les gardiens avaient inventé leur propre règlement. Les archives prouvent que c’est faux !

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