Si la presse italienne dénonce un déchaînement de messages racistes sur les réseaux sociaux, elle a elle aussi participé au phénomène.
A la fin du mois de mai, Mario Balotelli appelait les supporters italiens à “se réveiller”. Le joueur de l’OGC Nice et seul titulaire noir de l’équipe d’Italie venait d’être une nouvelle fois victime de racisme. Pressenti pour être capitaine de la Squadra Azzurra, dans laquelle il vient de faire son retour, le joueur de 27 ans a dû supporter pendant le match contre l’Arabie Saoudite une banderole sur laquelle il était écrit “mon capitaine est de sang italien”, en référence à la nationalité de ses parents biologiques, originaires du Ghana. Elevé par un couple d’Italiens, il n’a obtenu la nationalité qu’à l’âge de 18 ans.
Deux mois plus tard, son appel a semble-t-il été ignoré, non seulement des supporters mais des Italiens dans leur ensemble. En France, les photos et vidéos de scènes de liesse ont pris d’assaut les réseaux sociaux depuis la victoire des Bleus en finale de la Coupe du monde dimanche soir. De l’autre côté des Alpes, où selon un sondage du Corriere della sera 90% des Italiens soutenaient la Croatie, ce sont les messages racistes qui se multiplient.
“C’est l’Afrique qui a gagné”
C’est avec la même citation entre guillemets que la Repubblica et l’agence de presse Adnkronos évoquent le phénomène: “c’est l’Afrique qui a gagné”, et non la France dimanche soir. Une phrase trouvée de nombreuses fois au détour de Twitter ou de Facebook. Des réseaux sociaux où il est aussi question de “singes avec un ballon” ou de “champions du tiers monde”. Un racisme assumé et adressé aux joueurs noirs de l’équipe de France. Des joueurs dont la nationalité française est niée ou mise en doute, tout comme la nationalité italienne de Balotelli. Parmi les internautes ayant publié ce genre de messages, un conseiller municipal du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia a été épinglé.
“Pour la première fois, une équipe africaine remporte la Coupe du monde de football”, a écrit Ernesto Sica sur sa page Facebook.
La part de responsabilité des médias
Au-delà de leur dénonciation du phénomène, et particulièrement pendant les jours précédant la finale, les médias italiens ont aussi participé, alternant entre les propos anti-français et les déclarations racistes. “Macron me casse les couilles, la France me casse les couilles, je soutiens la Croatie”, a par exemple cité un journaliste du quotidien sportif la Gazzetta dello Sport, cité par nos confrères des Echos. Ce qui pourrait être du Matteo Salvini dans le texte, le ministre de l’Intérieur ayant décidé d’aller assister à la finale pour “porter la poisse” à la France.
C’est souvent dans la comparaison avec la Croatie que s’est exprimé le racisme dans les médias. Un article du Corriere della Sera a décrit l’équipe de France comme “une équipe de champions africains mélangés à de très bons joueurs blancs”, face à une équipe croate “de blancs au centre de trois grandes écoles (de foot, ndlr), l’allemande, la slave et l’italienne”.
Balotelli caricaturé en King Kong
Un journaliste télé de Mediaset, Paolo Bargiggia, a quant à lui expliqué son choix de soutenir la Croatie en des termes comparables.
“Une nation complètement autochtone, un peuple de 4 millions d’habitants, identitaire, fier et souverain: la Croatie, contre un melting pot de races et de religions, où le concept de nation et de Patrie est plutôt relatif: la France”, a-t-il écrit sur son compte Twitter.
Par le passé, Mario Balotelli a lui aussi fait les frais du racisme de certains journalistes, comme en 2012, lors de l’Euro, quand un dessinateur de la Gazzetta dello Sport l’a croqué sous les traits de King Kong. Le quotidien milanais s’était à l’époque défendu de tout racisme. “Nous reconnaissons qu’il ne s’agit pas de l’une des oeuvres les plus réussies de notre talentueux dessinateur”, avait-il seulement concédé, disant lutter “contre toutes les formes de racisme dans tous les stades” et soulignant avoir “condamné les huées et cris de singe dirigés contre Balotelli comme une forme inacceptable d’incivilité.”
Lors de la compétition de 2012, le joueur avait été visé par des cris de singe et des jets de bananes de la part des supporters slaves pendant le match contre la Croatie.