Curieux incident d’antenne, ce dimanche 15 juillet, lors de la diffusion du Soir 3 entièrement consacré à la victoire de la France au Mondial de football.
Un journaliste de la rédaction s’apprête à intervenir en direct dans le journal depuis la terrasse Publicis qui surplombe la place de l’Etoile et les Champs Elysées.
Il est un peu plus de minuit et le journaliste décrit la situation qui se déroule sous ses yeux : la fête devait se prolonger une bonne partie de la nuit mais elle a dégénéré et est désormais finie. Le drugstore et de nombreux magasins ont été pillés. Les Champs Elysées et l’Etoile sont désormais évacués, quadrillés par les CRS et baignés dans des effluves de gaz lacrymogène qui rend l’air irrespirable, y compris sur la terrasse au sommet de l’immeuble d’où se tient le direct…
…On n’en saura pas plus. Au bout de quarante secondes, le direct est coupé sans plus d’explications sur décision de la rédactrice en chef. (de 3’14 à 4’00)
L’explication n’a été donnée que le lendemain au journaliste : son direct a été interrompu parce qu’il a exagéré l’ampleur des violences et qu’il aurait dû évoquer « l’atmosphère de liesse… » qui n’existait plus depuis près de deux heures !
On peut toujours discuter de la pertinence ou de l’angle d’un papier, les conférences critiques sont là pour ça.
Mais interrompre volontairement un direct est un acte grave réservé aux circonstances exceptionnelles ou aux cas de force majeure.
Cette interruption intempestive est d’autant plus incompréhensible que le journaliste n’a fait que son métier : décrire une réalité – certes déplaisante – qui a été largement rapportée et développée dans la presse du lendemain.
Cette censure est d’autant plus absurde qu’elle alimente le fantasme d’une télévision d’Etat qui voudrait « dissimuler des informations » au public
De nombreux internautes ont d’ailleurs réagi en ce sens à l’interruption du direct du Soir 3.
L’incident de dimanche soir témoigne aussi d’une certaine dérive dans les pratiques professionnelles en vigueur dans les rédactions de France Télévisions.
De nombreux confrères déplorent de se voir de plus en plus en dicter leurs papiers par des chefs qui prétendent mieux appréhender un événement depuis les bureaux de la rédaction que les journalistes qui se trouvent sur le terrain.