Des étudiants ont dégradé une fresque reprenant le poème Si de Rudyard Kipling afin de dénoncer son œuvre “raciste”.
Le poème datant de 1895 avait été peint sur un mur récemment rénové du campus de l’université de Manchester. Mais des syndicalistes étudiants ont effacé l’œuvre, la remplaçant par un texte de Maya Angelou, dans le but de réintroduire les voix “noires et non-blanches” dans l’histoire.
Le campus s’est excusé de ne pas avoir consulté les étudiants sur le choix du poème.
Riddi Viswanathan, la référente diversité du campus, a déclaré que les représentants des étudiants trouvaient que Kipling ne “correspondait pas à leurs valeurs”, citant notamment le poème Le Fardeau de l’homme blanc.
“Il est important pour nous de faire entendre les voix des étudiants noirs et non-blancs , c’est pourquoi nous trouvions Kipling complètement inapproprié”, précise-t-elle.
Mais Jan Montefiore, professeur émérite de littérature du XXème siècle à l’Université de Kent, et auteur, en 2007, d’un livre sur Kipling, a estimé qu’il était “tout à fait bête et simpliste de rejeter Kipling pour racisme.”
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L’œuvre a été recouverte de peinture blanche le 13 juillet, avant d’être remplacée le 16 juillet par le texte d’Angelou Pourtant je m’élève.
Sara Khan [une responsable syndicale] a expliqué sur Facebook que l’œuvre “raciste” de Kipling soutenait le rôle de l’Empire britannique, tandis que le poème d’Angelou avait été choisi comme “revanche historique de ceux qui ont été opprimés par des hommes tels que Kipling pendant des siècles.”
Kipling est né en Inde en 1865, il a travaillé en tant que journaliste dans le même temps où il écrivit nombre de ses travaux de jeunesse, comme Le Livre de la jungle, publié en 1894.
En 1907, il fut le premier écrivain anglophone à recevoir le Nobel de littérature.
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Merci à Cecilia
Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d’un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d’un seul mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un Homme, mon fils.
(Traduction André Maurois, 1918)