Le Figaro revient dans sa série « Ces affaires qui ont changé la société », sur l’exclusion, en 1989, de trois collégiennes de Creil, dans l’Oise, qui refusent d’enlever leur voile en classe. Cette affaire a posé les jalons d’un débat intellectuel et politique qui se poursuit encore aujourd’hui, près de 30 ans plus tard.
Une affaire, plus d’une décennie de débats. Tout commence le 18 septembre 1989, au moment où paraissent les Versets sataniques de l’écrivain britannique Salman Rushdie et sur fond de célébration du bicentenaire de la Révolution française. Ce jour-là, plusieurs journaux publient un article relatant ce qui aurait pu rester un simple fait divers. À Creil, dans l’Oise, le proviseur du collège Gabriel-Havez a décidé d’exclure Leila, Fatima et Samira, trois jeunes filles qui refusent d’ôter le foulard qui leur couvre les cheveux en classe.
Dans un article du 9 octobre intitulé Les tchadors de la discorde, l’envoyé spécial du Figaro relate les propos tenus par les jeunes femmes au cours d’un entretien dans le bureau du principal: «Nous sommes des folles d’Allah, nous n’enlèverons jamais notre foulard, nous le garderons jusqu’à notre mort». Le principal du collège de Creil, Ernest Chénière, justifie son acte dans une lettre adressée aux parents dans laquelle il estime que le voile est une marque religieuse incompatible avec le bon fonctionnement d’un établissement scolaire laïc. […]
Pour le sociologue Farhad Khosrokhavar, l’affaire des foulards de Creil est «le commencement d’un affrontement entre une majorité attachée aux valeurs républicaines et une minorité conséquente – les musulmans représentent 6 à 8% de la population française – dont une partie se sent méprisée, abandonnée, rejetée. Du voile au burkini, cette minorité tente ainsi de retrouver une identité. En cela, Creil est la première manifestation de l’Islam comme thématique sociale et, par la suite, politique».