[…] L’ambition d’Omar Ba? « M’inscrire dans l’histoire de l’art, répond-il sans hésiter. Je veux qu’un jour on parle des artistes africains comme on parle de Manet. » Rien de moins ! […] Figuratives et narratives, ses peintures traitent du développement à plusieurs vitesses de l’Afrique, des plaies non refermées de la colonisation, de l’incurie des dirigeants africains, souvent incarnés par des animaux. Ses matériaux sont simples, cartons et tissus de décoration. « Il faut s’approcher, se perdre, puis reculer pour voir l’ensemble, dit-il. Ce va-et-vient, c’est le déplacement que j’ai fait en allant du Sénégal à la Suisse. »
[…] Son arrivée en 2003 sous le crachin helvétique fait désormais partie de sa légende. Plus qu’un choc thermique, Omar Ba vit un choc culturel. « On se retrouve soudain seul, les gens te regardent bizarrement, raconte-t-il. Tu dégages quelque chose de différent. » […]Le jeune homme, biberonné aux écrits de l’historien et panafricaniste sénégalais Cheikh Anta Diop, réalise qu’il a des choses à dire et des abcès à percer. « Au cinéma, je me suis rendu compte que dans les films sur la seconde guerre mondiale, il n’y avait pas de Noirs, indique-t-il. Mon grand-père avait pourtant été tirailleur et son fils a fait la guerre d’Indochine. On ne voit aucune trace de ces gens. »
Omar Ba n’est pas à court de sujets, mais il se trompe alors de réseaux. Plutôt que frayer du côté des galeries et centres d’art, il expose dans les salons de coiffure et les cafés, au risque de se griller auprès des décideurs de l’art contemporain. Sa peinture est alors très folklorique. « Si j’avais été un Européen faisant des choses folkloriques, mes camarades m’auraient invité dans leurs expositions. Ça aurait fait second degré. Mais quand tu viens d’Afrique, le folklore est impensable », dit-il, lucide.
Autre mouvement, cette fois ascendant : en un an et demi, ses prix ont bondi de 18.000 à 40.000 euros. « Les Européens ont trouvé un artiste africain qui peint des sujets africains comme des Occidentaux », résume son galeriste, Daniel Templon. Pour autant, Omar Ba ne se voit pas en « Africain de service ». « J’ai ma place ici. Je ne vois pas pourquoi un artiste africain coûterait moins cher qu’un autre. Le fait d’être le seul Africain de la galerie Templon me motive encore plus pour être à la hauteur des autres. »