Un ancien étudiant de la féministe «queer» reproche à Avital Ronell des mails et des gestes déplacés. Des intellectuels, dont Judith Butler, l’ont défendue. Un comportement jugé masculin et corporatiste par de nombreux médias.
La professeure en études de genre à l’Université de Lausanne Eléonore Lépinard est sévère envers l’attitude des universitaires qui se sont empressés de soutenir l’une des leurs : «Cet entre-soi est très malvenu. C’est justement cette défense corporatiste qui rend possibles les abus de pouvoir.»
Mon adoré», «mon doux bébé câlin», «mon magnifique Nimrod». Ou bien encore ce jeu de mots : «My cock-er spaniel», «mon cocker» ( Cock signifie «bite» en anglais). Mots doux ou preuves d’un long harcèlement sexuel ? La nouvelle a déclenché une tempête dans les milieux universitaires américains et au-delà. Avital Ronell, une intellectuelle internationalement réputée, professeure de littérature comparée à l’Université de New York, a été suspendue un an par sa fac pour avoir harcelé sexuellement un de ses anciens étudiants, Nimrod Reitman. Ce qu’elle dément.
Avital Ronell, philosophe proche du courant de la French Theory et de Jacques Derrida, qu’elle rencontra en 1979, a écrit sur l’autorité, la surveillance, la figure de l’ennemi, mais aussi sur le sida, l’addiction ou le téléphone. Féministe, de gauche, Ronell est lesbienne et se définit comme queer. Nimrod Reitman, l’ex-étudiant qui l’accuse, est gay.
Selon le New York Times, qui a sorti l’affaire mi-août, Nimrod Reitman, aujourd’hui âgé de 34 ans quand Ronell en a 66, lui reproche de lui avoir envoyé pendant trois ans des mails déplacés, mais aussi d’avoir eu des gestes à connotation sexuelle à plusieurs reprises. Reitman raconte ainsi une journée de 2012, à Paris, où la philosophe l’avait invité à l’accompagner. Elle lui aurait demandé de lui lire des poésies, dans sa chambre, pendant qu’elle faisait la sieste. Puis l’aurait invité dans son lit, lui aurait touché la poitrine, l’aurait embrassé. Reitman explique ne pas avoir osé réagir par peur de représailles sur son avenir universitaire. Dès le lendemain, il lui aurait pourtant dit son désaccord et sa gêne. Mais la situation se serait répétée à plusieurs reprises. Avital Ronell, elle, dément catégoriquement tout contact sexuel. […]