En Bosnie et au Kosovo, des salafistes mettent en cause l’autorité des imams traditionnels. Leur prosélytisme, soutenu par l’Arabie saoudite, inquiète l’Europe.
Arrivé à Brezicani, un petit village posé sur les flancs du mont Komar, au coeur de la Bosnie, on ne voit qu’elle: pas de minaret ni de fenêtres ornées d’arabesque, et pourtant, cette maison au toit pentu est une mosquée. Clandestine. “Le vendredi midi, des dizaines de salafistes s’y pressent pour la prière, confie un voisin, (…) mais on ne les voit que rarement, ils restent cloîtrés chez eux.”
Combien sont-ils? Quatre ou cinq familles, tout au plus, mais les villageois craignent ces “barbus”, adeptes d’un islam rigoriste, importé d’Arabie saoudite. “Parfois, ils essaient de nous parler, poursuit cet habitant, mais je ne leur réponds pas.”
Dans ce village, comme dans l’ensemble du pays, où la moitié de la population est musulmane, on pratique un islam modéré, l’hanafisme, hérité de l’époque ottomane. Et l’on se méfie des influences extérieures. ”
[…]”On compte plus de 3000 salafistes en Bosnie et plusieurs dizaines de milliers dans les Balkans, assure Goran Kovacevic, professeur à la faculté de criminologie de Sarajevo. Ils rencontrent un certain succès auprès des populations pauvres, sans perspectives d’avenir.” Leur méthode: “Ils repèrent les jeunes peu éduqués et les aident à monter un commerce […], explique un officier des services de renseignement, à Sarajevo. Progressivement, ils leur dictent des règles de conduite, les incitent à ne plus boire d’alcool…Après l’assassinat de deux militaires, à Sarajevo, en 2015, par un islamiste radical, le grand mufti avait appelé les imams extrémistes à “rentrer dans le rang”, sous peine d’être exclus de la communauté bosniaque […].
Qui, par exemple, a financé la construction de la mosquée? […]
La réponse vient plutôt des dizaines de voitures qui, l’été, envahissent le village, à l’occasion de grands rassemblements religieux. La plupart sont immatriculées à Vienne, en Autriche, où se trouve le principal centre salafiste d’Europe. “Chaque année, en Bosnie, les fondamentalistes reçoivent une dizaine de millions d’euros d’Arabie saoudite, affirme Goran Kovacevic. Un père de famille reçoit 250 euros par mois; une femme, 200 euros… à condition qu’elle accepte de porter le niqab.”[…]