Depuis sa chaire Migrations et sociétés, au Collège de France, François Héran a un moment observé ce débat, avant de s’en saisir, au nom de la « véracité scientifique ». Ce sociologue, anthropologue et démographe, meilleur spécialiste français du sujet, répond aujourd’hui que cette invasion est un mirage.
« Les Subsahariens, qui représentent 1 % de la population européenne [1,5 % de la population française] représenteront tout au plus 3 ou 4 % de la population des pays du nord en 2050 », ajoute-il dans le dernier numéro de Population et Sociétés, la revue de l’Institut national d’études démographiques (INED), qui sort aujourd’hui, où il signe un article intitulé « l’Europe et le spectre des migrations subsahariennes ». […]
Cette analyse scientifique étayée sonne comme le premier round d’un match l’opposant aux tenanciers de la théorie du « Grand remplacement » de la civilisation européenne par les immigrés ou de La Ruée vers le vieux continent, de M. Smith.
Et pourtant… Aujourd’hui, « 70 % des migrants subsahariens s’installent dans un autre pays africain, 25 % se répartissent entre le Golfe et l’Amérique du Nord et 15 % viennent en Europe », relativise le chercheur.
« Si l’on intègre la croissance démographique projetée par l’ONU. C’est-à-dire le passage de 970 millions d’Africains en zone subsaharienne à 2,2 milliards en 2050 (…), les immigrés subsahariens installés dans les pays de l’OCDE pourraient représenter en 2050 non plus 0,4 % de la population, mais 2,4 %. ». Une hausse importante, admet M. Héran, « mais 2,4 % ne permettent en aucun cas de parler d’invasion, même en ajoutant la seconde génération ».
A l’heure actuelle, « sur les 420 millions d’habitants d’Europe de l’Ouest, 5,3 millions sont nés en Afrique du Nord, et 4,4 millions dans le reste du continent africain », insiste-t-il pour établir un état des lieux.[…]
Pour François Héran, il faudrait un saut en matière de développement pour que l’Afrique émigre vraiment massivement. Or « les données qu’explore Stephen Smith s’appuient sur une Afrique qui aurait atteint le même niveau de richesse que le Mexique. Niveau de développement dont en est globalement loin », ajoute-t-il.[…]