Face à la montée des populismes, la gauche européenne ne peut plus faire l’impasse sur le débat sur l’immigration si elle veut regagner “l’électorat populaire”, estime Sara Daniel dans son éditorial du Nouvel Obs.
Pour la survie de l’Europe démocratique, la gauche doit sans doute aussi prendre la mesure de l’échec de la stratégie du mépris de classe pour les électeurs qui cèdent aux sirènes du populisme.
L’annonce par l’égérie de la gauche radicale allemande, Sahra Wagenknecht, de la création, début septembre, de son mouvement Aufstehen (“Debout”) n’en finit pas de faire des vagues. En remettant en question “le dogme des frontières ouvertes” de son parti, Die Linke, elle a en effet levé un tabou et bousculé une gauche qui éludait le sujet jusque dans les consignes qu’elle donnait à ses cadres. Mais voilà, la gauche européenne est à l’agonie, et certains dans ses rangs pensent qu’elle ne peut plus faire l’économie de ce débat et laisser ce cheval de bataille à l’extrême droite. […]
L’idée est de ne pas rester éternellement dans l’opposition et de reconquérir ces électeurs qui “ne sont pas tous des racistes“ , explique Sahra Wagenknecht. Une idée partagée par Jeremy Corbyn en Grande-Bretagne ou encore par Jean-Luc Mélenchon en France, qui dit vouloir s’adresser “aux fâchés et pas aux fachos“, fustige le grand capital broyant le prolétariat des migrants et s’arc-boute sur la souveraineté nationale. De leur côté, les social-démocraties suédoises et danoises ont opéré leur révolution en prônant d’abord l’endiguement de l’immigration, ensuite l’assimilation totale des nouveaux arrivés.
Est-ce une défaite de la pensée d’”opposer travailleurs français et étrangers, plutôt que de viser des patrons voyous bien français“, comme le déclare Benoît Hamon dans une interview à “l’Obs” ? […] Peut-on vraiment reprocher aujourd’hui à la gauche, dans le contexte délétère que l’on sait, d’examiner les peurs et les lassitudes des classes populaires, en tentant de prendre les précautions nécessaires pour rappeler l’humanisme fondateur des valeurs européennes ? Car c’est bien l’échec du libéralisme lui-même, incapable de gérer politiquement le mouvement migratoire qu’il promeut économiquement, qui explique que l’opinion publique se soit retournée contre lui, plus sûrement que la crise économique ou même que l’aggravation des inégalités sociales. […]