Moins anodin qu’on ne pourrait le croire, le prénom en dit long sur l’époque et le lieu où nous sommes nés, sur ceux qui nous l’ont donné et sur la classe sociale à laquelle nous appartenons – en un mot, sur notre histoire privée et publique.
«Votre prénom est une insulte à la France.» Cette phrase aurait pu introduire un bon rap, il ne fut que l’épilogue d’un moment désolant qui a opposé il y a quelques semaines, sur un plateau télé, le polémiste Eric Zemmour et la chroniqueuse Hapsatou Sy. Les réactions indignées se sont multipliées les jours suivants, qui ont rappelé la longue liste de célébrités françaises aux prénoms venus d’ailleurs – des prénoms acceptés par l’état civil français en vertu d’un droit individuel conféré à tous. Magyd Cherfi, chanteur du groupe Zebda, a simplement constaté que «Zemmour, en kabyle, ça veut dire olive».
Entre originalité et conformisme, entre cœur et raison, entre goût des parents, voire des grands-parents, et intérêt de l’enfant, où placer le curseur ?Prénommer un petit d’homme « pour la vie » est un acte crucial.
Si l’agression faite à Hapsatou Sy semble si violente, c’est que le prénom n’a rien d’anodin. Il touche à l’intime, et raconte infiniment plus que ce qu’on pourrait croire. Sur nous-mêmes, sur ceux qui nous l’ont donné, sur l’époque et le lieu où nous sommes nés, sur la classe à laquelle nous appartenons – en un mot, sur notre histoire privée et publique. […]